24-03-2023, 09:24 PM
C'est l'plombier !
Corentin était apprenti chez le plombier du quartier. À dix-neuf ans, il commençait à connaître le boulot, et plutôt bien... au point que son père suggérait qu'il pourrait peut-être faire du gringue à la fille du patron... dans l'espoir de l'épouser et devenir patron plus tard.
— Tu regardes trop de feuilletons, P'pa ! répondait le jeune homme en rigolant.
— Tu me dis qu'elle t'a à la bonne !
— Oui, mais ça fait pas tout, ça !
— Fais-lui un bébé !
— Elle me le ferait payer pendant soixante ans !
Ambiance à la maison, où l'on était cependant fier du p'tit, qui ne recueillait que des compliments de toute part.
Or ce vendredi après-midi-là, le patron de Corentin eut un imprévu et dut déléguer à son meilleur élément un travail urgent chez une riche cliente.
Il fut bien enseigné, Corentin ! Car il ne fallait pas décevoir la cliente. Mais le patron n'avait pas de doute sur les qualités de son « arpète préféré », comme il le disait gentiment.
Or donc, Corentin avait prévenu Madame qu'il passerait en fin d'après-midi, en sorte qu'il aurait tout le temps voulu pour soigner le travail. Madame le remercia chaleureusement.
On était fin juin, et il faisait déjà un début de canicule, mais bon ! Le boulot d'abord, et Corentin était un p'tit gars sérieux comme tout.
Petit, pas tant que ça : un mètre nonante, et pas dépourvu de muscles, si l'ensemble était sec et bien dessiné. Brun aux yeux bleus, il disposait d'un sourire qui à lui seul débouchait les tuyauteries : bref, un fort bel enfant.
Il se présenta donc à la villa, qu'il connaissait pour y avoir secondé le patron une fois ou deux. Madame lui ouvrit, habillée pour sortir.
— Ah ! Je vous attendais, vous êtes en avance, très, très bien ! Je dois partir subitement, mais mon fils reste là, il vous dira tout !
Et la volubile Madame de présenter son rejeton, un garçon du même acabit que Corentin, et du même âge sans doute, qui sourit timidement.
— Luc-Adolphe vous dira tout, Monsieur ! Je lui confie les clés, et ma signature ! Allez j'y vais, mon chéri ! Portez-vous bien, Monsieur, et n'hésitez pas à demander à Luc-Adolphe !
La dame enlaça son enfant et alla à sa belle auto, déjà dans la rue. Les garçons se regardèrent, et Corentin ne put s'empêcher de sourire de l'exubérance de la dame.
L'autre lui répondit gentiment, et l'invita à le suivre dans la chaufferie, où effectivement diverses choses étaient à revoir.
— Quand vous aurez fini, venez me voir au jardin s'il vous plaît, dit le garçon, l'air emprunté. Je signerai ce qu'il faut. Vous pensez en avoir pour longtemps ?
— Oh... trois quarts d'heure, tout au plus...
— Merci. Bon courage !
Corentin se mit donc à l'ouvrage : rien de bien décourageant ! Mais il eut, au bout d'une demi heure une surprise : le nommé Luc-Adolphe vint lui apporter un grand verre de bulles... et ce jeune homme n'était plus vêtu que d'un drap de bain en guise de paréo.
— J'ai des amis et... je me suis dit qu'il faisait bien chaud pour travailler sans boire un peu !
Corentin remercia le garçon, tout en gardant en tête un instant la fine, très fine morphologie d'iceluy, déjà ornée d'une délicate toison châtain... mais si plate ! Et pourtant joliment dessinée. Il soupira : sa copine actuelle, qui était une emmerdeuse, était si loin de ses critères — lesquels étaient plus rebondis que les formes du frêle Luc-Adolphe ! Et là, il venait de voir... une jolie chose, peut-être ? Mais bon ! Il était hétéro, et n'alla pas au-delà dans la comparaison.
Il venait de finir dans le temps annoncé quand surgit dans la chaufferie un jeune mec brun... et à poil !
— Ciao, Corentin ! Lucado m'envoie voir si t'as fini, et t'inviter à te baigner avec nous !
— Ben... Euh... Je sais pas si...
— Viens, c'est sympa ! On est quèques uns, et on rigole bien !
Alors parut Luc-Adolphe, toujours en son paréo d'éponge.
— Ah, v'là l'patron ! Je vous laisse, alors... à tout de suite !
— Excusez-moi... je l'ai laissé venir sans réfléchir. Voulez-vous venir avec nous ? On est entre garçons, et... pas habillés. On prévoit un apéro dînatoire, et... ce serait sympa si vous veniez aussi.
— Mais...vos parents ?
— Chut ! Je vis avec ma mère, qui a une vie agitée. Quand elle n'y est pas, mes amis rappliquent, et on s'amuse gentiment : pas de tabac ni de drogue... sauf les bulles. Elle en fait rentrer des péniches entières, alors elle voit pas la différence !
Corentin dut sourire. Il était étrange ce garçon-là, entre son allure hyper coincée, et son discours fleuri... sur fond de premier communiant.
Il suivit donc. Effectivement, il y avait quelques garçons autour de la piscine, quatre en plus de lui, le nommé Jeannot qui l'était venu chercher, et « Lucado », donc.
Il se déloqua sans manières — il hantait la salle de gym du quartier. Accueilli chaleureusement, il plongea avec les autres et déconna un bon temps, avant d'être ravitaillé en bulles et en plein vol par un des loupiots — tous étaient de son âge.
Tout ce monde était du meilleur... monde, justement. Charmant et bien élevé. Et Luc-Adolphe expliqua :
— Évidemment, quand ma mère est là, on est en maillot !...
— Et on boit moitié moins de bulles ! ajouta Jeannot, qui passait par là. M'enfin, la Maman Irina est une bonne mère adoptive, tu sais !
Corentin sourit derechef : drôle d'ambiance ! Soudain il ouït la sonnerie de son téléphone et se hissa vite fait hors de l'eau. C'était sa copine, Sandra :
— Oh non, désolé, mais là je suis sur un boulot qui va durer un peu et... Oh, chérie, compte pas sur moi ce soir !... Oui... Non... Bien sûr, que je t'aime !
— Bel exercice... souffla Pierre-Luc, grand brun qui était justement à côté. Ce qu'il faut mentir, pour vivre sa vie !
— Oh, je...
— Dis pas le contraire ! T'as menti, oui ou non ? Mais... j'ai idée que t'as pas l'habitude, n'est-ce pas ?
— Pas trop, non...
— T'es gentil, toi, conclut le garçon en posant un bisou au coin des lèvres de Corentin... et avant d'ajouter : gentil et beau ! et de plonger.
Il resta songeur un instant, Corentin : tous ces garçons étaient donc gays ? C'était la question qu'il se posait depuis un moment déjà... sans se déterminer. C'est que ses fréquentations étaient plutôt conventionnelles, et que la Sandra avait des penchants homophobes qui ne lui avaient point échappé, s'il n'en avait trop rien à faire, ne connaissant pas de gays, hors les clients...
Et là, manifestement, il était en plein dedans ! Mais nul de ces mecs n'alla au-delà des convenances... même ce Pierre-Luc qui lui avait fait un début de déclaration ! Bien sûr il surprit maint bisou voleter de ci, de là... mais il trouva la retenue de ces garçons tout à fait charmante.
Il avait pris soin d'appeler ses parents... pour leur conter la même fable qu'à Sandra. Revenu dans l'eau, il fut derechef happé par Pierre-Luc qui lui souffla à l'oreille :
— Encore un p'tit mensonge téléphonique ?
— Faut bien vivre, non ? répliqua là un Corentin nettement enhardi.
— Bravo ! conclut le minet en lui posant un nouveau un bisou au coin de la bouche, avant de l'entraîner à jouer.
Il était ravi, au fond, Corentin, qui bossait beaucoup, de rencontrer des mecs de son âge... et moins sérieux que ceux de la salle de gym, ô combien !
Comme annoncé, on grignota effectivement, et trois des garçons partirent ensemble :
— Ce soir, c'est bon, je crois ! affirma Jeannot.
— Dommage qu'ils l'aient pas fait ici, j'aurais aimé voir ça ! ajouta Pierre-Luc.
— Toujours aussi voyeur ! constata Luc-Adolphe.
— C'est pas un crime d'aimer la vie... hein, Corentin ?
— La vie des autres ?
On pouffa. Et Jeannot continua :
— Bien jeté, Corentin ! Mais je jette pas la pierre à Pierre-Luc... vu que tout le monde est voyeur, ici !
Alors Pierre-Luc, qui était assis près de lui sur un lit de plage, passa le bras autour du cou de Corentin pour affirmer, doucement :
— T'façon, les autres, j'm'en fous, maintenant : c'est mon Corentin que j'aime !
Tête de Corentin ! Qui fit rire les autres.
— T'affole pas, précisa Jeannot, il est très affectueux, mais y mord pas !
— T'as plus qu'à lui demander de te régler la chaudière, puisqu'il est du métier ! ajouta Luc-Adolphe.
On éclata de rire, même Corentin. Les gays avaient décidément un humour qu'il ne connaissait pas... et qui lui plaisait plutôt bien.
L'ambiance, la chaleur, la douce euphorie procurée par les bulles firent qu'il ne trouva pas désagréable la légère étreinte de Pierre-Luc. Qui n'en faisait pas trop d'ailleurs, se contentant de fins attouchement, et de bisous dans le cou.
Où était-il, vraiment ? En face, Jeannot avait fait de même avec Luc-Adolphe, et la conversation perdit de son intensité... et de son sens aussi. Et puis... Corentin ne tarda pas à constater qu'il était le dernier à ne pas bander. Il ne fut d'ailleurs pas le seul, car Pierre-Luc lui susurra :
— T'aimerais que je te fasse bander ?
— Oh... soupira Corentin, fais... ce que tu veux.
Pierre-Luc vint le prendre délicatement en bouche... et Corentin banda immédiatement, et ferme, à sa propre surprise : sans doute que le spectacle alentour l'y avait incité...
Pierre-Luc et Jeannot levèrent le pouce en souriant... et Jeannot vint aussi sucer Luc-Adolphe. Alors les deux sucés se regardèrent sérieusement, en échangeant pourtant des demi-sourires... Et l'instant se prolongea dans la douceur.
Corentin ne refusa pas de prendre en main le joli vit de Pierre-Luc, comme Luc-Adolphe en fit de lui de Jeannot.
Il sembla que les deux suceurs en voulaient, et Pierre-Luc fut le premier à inciter son branleur à y aller plus fermement. Et il gicla de la plus superbe façon : un feu d'artifice !
En face, même scénario. Douche, bulles, amuse-gueule, et propos mondains... La douceur du moment sembla s'éterniser. Enfin, Pierre-Luc déclara :
— Nos deux débutants n'ont pas débordé, y m'semble... Lucado ! Tu me fais enfin ma fête, ce soir ?
— Ce serait plus sympa de le proposer au gentil garçon qui t'a fait jouir, non ?
— Euh... Oui, pardon, Corentin ! Mais t'as compris que le Luc-Adolphe faisait partie de mon panthéon personnel...
— Merci, tête de con ! s'écria Jeannot.
— Jeannot en pince pour Pierre-Luc, fit Luc-Adolphe à l'adresse de Corentin... qui eut un air effaré.
— Dire que c'est ça, la vie de tous les jours ! conclut Pierre-Luc, qui ajouta, tous bas à l'oreille de Corentin : t'as peut-être jamais baisé un mec, gentil garçon... Tu voudrais essayer, ce soir ? Ça nous ferait plaisir, chuis sûr !
Corentin ouvrit de grands yeux, et dut sourire aussi. Mais la chaude ambiance de cette soirée, où le Réchauffement n'était d'ailleurs qu'actionnaire minoritaire, l'incita à murmurer :
— Je serais nul, tu sais ?
— J'accepte d'être ton cobaye... car l'expérience réussira ! Et je te promets que tu le regretteras pas, mon beau Corentin.
Les gays ont-ils toujours réponse à tout ? se demanda Corentin, qui eut un sourire interprété comme un oui... Restait à savoir où, et Pierre-Luc proposa le bord de la piscine...
En face, les négociations traînaient un peu...
— On va faire ça là ! affirma soudain Pierre-Luc.
— Nous aussi ! répliqua Jeannot... sous le regard effaré d'un Luc-Adolphe qui n'osa s'y opposer.
Or donc, ces jeunes gens se mirent en mesure « d'y aller »... Selon toute évidence, Jeannot et Pierre-Luc n'étaient plus des débutants, eux... et ils firent en sorte que les néo-enculeurs s'en tirassent bien... Et ce fut sans problème. Pierre-Luc avait décidé qu'on serait côte à côte, à genoux contre un des lits, aussi les deux tireurs se retrouvèrent-ils épaule contre épaule... Ils échangèrent maint regard, mi-amusé, mi-étonné... et mi-excité, aussi !
Et puis, alors que l'action était bien engagée, Corentin eut envie de prendre Luc-Adolphe par l'épaule... et le minet lui en fit autant. Dès lors, ce fut en se regardant dans les yeux que ces mectons fourrèrent... et ils ne se lâchèrent pas avant de remplir... leur mission, et le cul de leurs amis.
Ayant déculé, ils se tombèrent en les bras l'un de l'autre. Pierre-Luc ordonna la douche, puis on sauta dans l'eau. Mais dès cet instant, il parut évident que quelque chose s'était noué entre ces jeunes gens. Aussi Pierre-Luc déclara-t-il, en fin de soirée :
— Lucado ! T'autorises Jeannot à dormir avec moi dans la chambre bleue ?
— Vous savez bien que vous faites ce que vous voulez !
— Si je veux ! fit Jeannot.
— T'en meurs d'envie, non ? demanda Pierre-Luc.
— Mais toi ?
— Je veux mourir avec toi. D'envie, aussi.
Silence, sur la terrasse ! Pierre-Luc poursuivit :
— Du coup, Corentin, t'es obligé de dormir avec notre Lucado national !
Ces garçons se regardèrent, indécis, mais... encore qu'il vînt de prendre son pied de la belle manière, Corentin avait envie d'en savoir plus sur le fin Luc-Adolphe. Et il se sentait bien, ici : car rien ne le contraignait. Il sourit donc.
On finit, après un petit coup de mirabelle pompé dans les réserves de Maman, par se mettre en ordre pour la nuit.
Mais Luc-Adolphe déclara à Corentin :
— T'es obligé à rien, tu sais ? J'ai d'autres chambres, et même je t'offre le taxi, si tu veux.
— Toi, ça t'embête si je reste... avec toi ?
— Oh non, non, bien sûr ! s'exclama le garçon avec un immense sourire... qui en provoqua un autre chez Corentin.
On gagna la chambre de Luc-Adolphe, bel endroit qui impressionna Corentin : livres, CD, reproductions aux murs... La classe, quoi, qui l'épata grandement... mais moins cependant que la simplicité, presque l'humilité du garçon.
On échangea quelques mots anodins avant de se rapprocher. Ne pouvant agir lui-même, Corentin se mit à ronronner et à geindre doucement... ce qui encouragea le mouvement. Au matin on trouva la nuit trop courte... et il parut vite que la vie ne serait pas trop longue pour s'aimer... car ça presse !
21. III. 2023
Corentin était apprenti chez le plombier du quartier. À dix-neuf ans, il commençait à connaître le boulot, et plutôt bien... au point que son père suggérait qu'il pourrait peut-être faire du gringue à la fille du patron... dans l'espoir de l'épouser et devenir patron plus tard.
— Tu regardes trop de feuilletons, P'pa ! répondait le jeune homme en rigolant.
— Tu me dis qu'elle t'a à la bonne !
— Oui, mais ça fait pas tout, ça !
— Fais-lui un bébé !
— Elle me le ferait payer pendant soixante ans !
Ambiance à la maison, où l'on était cependant fier du p'tit, qui ne recueillait que des compliments de toute part.
Or ce vendredi après-midi-là, le patron de Corentin eut un imprévu et dut déléguer à son meilleur élément un travail urgent chez une riche cliente.
Il fut bien enseigné, Corentin ! Car il ne fallait pas décevoir la cliente. Mais le patron n'avait pas de doute sur les qualités de son « arpète préféré », comme il le disait gentiment.
Or donc, Corentin avait prévenu Madame qu'il passerait en fin d'après-midi, en sorte qu'il aurait tout le temps voulu pour soigner le travail. Madame le remercia chaleureusement.
On était fin juin, et il faisait déjà un début de canicule, mais bon ! Le boulot d'abord, et Corentin était un p'tit gars sérieux comme tout.
Petit, pas tant que ça : un mètre nonante, et pas dépourvu de muscles, si l'ensemble était sec et bien dessiné. Brun aux yeux bleus, il disposait d'un sourire qui à lui seul débouchait les tuyauteries : bref, un fort bel enfant.
Il se présenta donc à la villa, qu'il connaissait pour y avoir secondé le patron une fois ou deux. Madame lui ouvrit, habillée pour sortir.
— Ah ! Je vous attendais, vous êtes en avance, très, très bien ! Je dois partir subitement, mais mon fils reste là, il vous dira tout !
Et la volubile Madame de présenter son rejeton, un garçon du même acabit que Corentin, et du même âge sans doute, qui sourit timidement.
— Luc-Adolphe vous dira tout, Monsieur ! Je lui confie les clés, et ma signature ! Allez j'y vais, mon chéri ! Portez-vous bien, Monsieur, et n'hésitez pas à demander à Luc-Adolphe !
La dame enlaça son enfant et alla à sa belle auto, déjà dans la rue. Les garçons se regardèrent, et Corentin ne put s'empêcher de sourire de l'exubérance de la dame.
L'autre lui répondit gentiment, et l'invita à le suivre dans la chaufferie, où effectivement diverses choses étaient à revoir.
— Quand vous aurez fini, venez me voir au jardin s'il vous plaît, dit le garçon, l'air emprunté. Je signerai ce qu'il faut. Vous pensez en avoir pour longtemps ?
— Oh... trois quarts d'heure, tout au plus...
— Merci. Bon courage !
Corentin se mit donc à l'ouvrage : rien de bien décourageant ! Mais il eut, au bout d'une demi heure une surprise : le nommé Luc-Adolphe vint lui apporter un grand verre de bulles... et ce jeune homme n'était plus vêtu que d'un drap de bain en guise de paréo.
— J'ai des amis et... je me suis dit qu'il faisait bien chaud pour travailler sans boire un peu !
Corentin remercia le garçon, tout en gardant en tête un instant la fine, très fine morphologie d'iceluy, déjà ornée d'une délicate toison châtain... mais si plate ! Et pourtant joliment dessinée. Il soupira : sa copine actuelle, qui était une emmerdeuse, était si loin de ses critères — lesquels étaient plus rebondis que les formes du frêle Luc-Adolphe ! Et là, il venait de voir... une jolie chose, peut-être ? Mais bon ! Il était hétéro, et n'alla pas au-delà dans la comparaison.
Il venait de finir dans le temps annoncé quand surgit dans la chaufferie un jeune mec brun... et à poil !
— Ciao, Corentin ! Lucado m'envoie voir si t'as fini, et t'inviter à te baigner avec nous !
— Ben... Euh... Je sais pas si...
— Viens, c'est sympa ! On est quèques uns, et on rigole bien !
Alors parut Luc-Adolphe, toujours en son paréo d'éponge.
— Ah, v'là l'patron ! Je vous laisse, alors... à tout de suite !
— Excusez-moi... je l'ai laissé venir sans réfléchir. Voulez-vous venir avec nous ? On est entre garçons, et... pas habillés. On prévoit un apéro dînatoire, et... ce serait sympa si vous veniez aussi.
— Mais...vos parents ?
— Chut ! Je vis avec ma mère, qui a une vie agitée. Quand elle n'y est pas, mes amis rappliquent, et on s'amuse gentiment : pas de tabac ni de drogue... sauf les bulles. Elle en fait rentrer des péniches entières, alors elle voit pas la différence !
Corentin dut sourire. Il était étrange ce garçon-là, entre son allure hyper coincée, et son discours fleuri... sur fond de premier communiant.
Il suivit donc. Effectivement, il y avait quelques garçons autour de la piscine, quatre en plus de lui, le nommé Jeannot qui l'était venu chercher, et « Lucado », donc.
Il se déloqua sans manières — il hantait la salle de gym du quartier. Accueilli chaleureusement, il plongea avec les autres et déconna un bon temps, avant d'être ravitaillé en bulles et en plein vol par un des loupiots — tous étaient de son âge.
Tout ce monde était du meilleur... monde, justement. Charmant et bien élevé. Et Luc-Adolphe expliqua :
— Évidemment, quand ma mère est là, on est en maillot !...
— Et on boit moitié moins de bulles ! ajouta Jeannot, qui passait par là. M'enfin, la Maman Irina est une bonne mère adoptive, tu sais !
Corentin sourit derechef : drôle d'ambiance ! Soudain il ouït la sonnerie de son téléphone et se hissa vite fait hors de l'eau. C'était sa copine, Sandra :
— Oh non, désolé, mais là je suis sur un boulot qui va durer un peu et... Oh, chérie, compte pas sur moi ce soir !... Oui... Non... Bien sûr, que je t'aime !
— Bel exercice... souffla Pierre-Luc, grand brun qui était justement à côté. Ce qu'il faut mentir, pour vivre sa vie !
— Oh, je...
— Dis pas le contraire ! T'as menti, oui ou non ? Mais... j'ai idée que t'as pas l'habitude, n'est-ce pas ?
— Pas trop, non...
— T'es gentil, toi, conclut le garçon en posant un bisou au coin des lèvres de Corentin... et avant d'ajouter : gentil et beau ! et de plonger.
Il resta songeur un instant, Corentin : tous ces garçons étaient donc gays ? C'était la question qu'il se posait depuis un moment déjà... sans se déterminer. C'est que ses fréquentations étaient plutôt conventionnelles, et que la Sandra avait des penchants homophobes qui ne lui avaient point échappé, s'il n'en avait trop rien à faire, ne connaissant pas de gays, hors les clients...
Et là, manifestement, il était en plein dedans ! Mais nul de ces mecs n'alla au-delà des convenances... même ce Pierre-Luc qui lui avait fait un début de déclaration ! Bien sûr il surprit maint bisou voleter de ci, de là... mais il trouva la retenue de ces garçons tout à fait charmante.
Il avait pris soin d'appeler ses parents... pour leur conter la même fable qu'à Sandra. Revenu dans l'eau, il fut derechef happé par Pierre-Luc qui lui souffla à l'oreille :
— Encore un p'tit mensonge téléphonique ?
— Faut bien vivre, non ? répliqua là un Corentin nettement enhardi.
— Bravo ! conclut le minet en lui posant un nouveau un bisou au coin de la bouche, avant de l'entraîner à jouer.
Il était ravi, au fond, Corentin, qui bossait beaucoup, de rencontrer des mecs de son âge... et moins sérieux que ceux de la salle de gym, ô combien !
Comme annoncé, on grignota effectivement, et trois des garçons partirent ensemble :
— Ce soir, c'est bon, je crois ! affirma Jeannot.
— Dommage qu'ils l'aient pas fait ici, j'aurais aimé voir ça ! ajouta Pierre-Luc.
— Toujours aussi voyeur ! constata Luc-Adolphe.
— C'est pas un crime d'aimer la vie... hein, Corentin ?
— La vie des autres ?
On pouffa. Et Jeannot continua :
— Bien jeté, Corentin ! Mais je jette pas la pierre à Pierre-Luc... vu que tout le monde est voyeur, ici !
Alors Pierre-Luc, qui était assis près de lui sur un lit de plage, passa le bras autour du cou de Corentin pour affirmer, doucement :
— T'façon, les autres, j'm'en fous, maintenant : c'est mon Corentin que j'aime !
Tête de Corentin ! Qui fit rire les autres.
— T'affole pas, précisa Jeannot, il est très affectueux, mais y mord pas !
— T'as plus qu'à lui demander de te régler la chaudière, puisqu'il est du métier ! ajouta Luc-Adolphe.
On éclata de rire, même Corentin. Les gays avaient décidément un humour qu'il ne connaissait pas... et qui lui plaisait plutôt bien.
L'ambiance, la chaleur, la douce euphorie procurée par les bulles firent qu'il ne trouva pas désagréable la légère étreinte de Pierre-Luc. Qui n'en faisait pas trop d'ailleurs, se contentant de fins attouchement, et de bisous dans le cou.
Où était-il, vraiment ? En face, Jeannot avait fait de même avec Luc-Adolphe, et la conversation perdit de son intensité... et de son sens aussi. Et puis... Corentin ne tarda pas à constater qu'il était le dernier à ne pas bander. Il ne fut d'ailleurs pas le seul, car Pierre-Luc lui susurra :
— T'aimerais que je te fasse bander ?
— Oh... soupira Corentin, fais... ce que tu veux.
Pierre-Luc vint le prendre délicatement en bouche... et Corentin banda immédiatement, et ferme, à sa propre surprise : sans doute que le spectacle alentour l'y avait incité...
Pierre-Luc et Jeannot levèrent le pouce en souriant... et Jeannot vint aussi sucer Luc-Adolphe. Alors les deux sucés se regardèrent sérieusement, en échangeant pourtant des demi-sourires... Et l'instant se prolongea dans la douceur.
Corentin ne refusa pas de prendre en main le joli vit de Pierre-Luc, comme Luc-Adolphe en fit de lui de Jeannot.
Il sembla que les deux suceurs en voulaient, et Pierre-Luc fut le premier à inciter son branleur à y aller plus fermement. Et il gicla de la plus superbe façon : un feu d'artifice !
En face, même scénario. Douche, bulles, amuse-gueule, et propos mondains... La douceur du moment sembla s'éterniser. Enfin, Pierre-Luc déclara :
— Nos deux débutants n'ont pas débordé, y m'semble... Lucado ! Tu me fais enfin ma fête, ce soir ?
— Ce serait plus sympa de le proposer au gentil garçon qui t'a fait jouir, non ?
— Euh... Oui, pardon, Corentin ! Mais t'as compris que le Luc-Adolphe faisait partie de mon panthéon personnel...
— Merci, tête de con ! s'écria Jeannot.
— Jeannot en pince pour Pierre-Luc, fit Luc-Adolphe à l'adresse de Corentin... qui eut un air effaré.
— Dire que c'est ça, la vie de tous les jours ! conclut Pierre-Luc, qui ajouta, tous bas à l'oreille de Corentin : t'as peut-être jamais baisé un mec, gentil garçon... Tu voudrais essayer, ce soir ? Ça nous ferait plaisir, chuis sûr !
Corentin ouvrit de grands yeux, et dut sourire aussi. Mais la chaude ambiance de cette soirée, où le Réchauffement n'était d'ailleurs qu'actionnaire minoritaire, l'incita à murmurer :
— Je serais nul, tu sais ?
— J'accepte d'être ton cobaye... car l'expérience réussira ! Et je te promets que tu le regretteras pas, mon beau Corentin.
Les gays ont-ils toujours réponse à tout ? se demanda Corentin, qui eut un sourire interprété comme un oui... Restait à savoir où, et Pierre-Luc proposa le bord de la piscine...
En face, les négociations traînaient un peu...
— On va faire ça là ! affirma soudain Pierre-Luc.
— Nous aussi ! répliqua Jeannot... sous le regard effaré d'un Luc-Adolphe qui n'osa s'y opposer.
Or donc, ces jeunes gens se mirent en mesure « d'y aller »... Selon toute évidence, Jeannot et Pierre-Luc n'étaient plus des débutants, eux... et ils firent en sorte que les néo-enculeurs s'en tirassent bien... Et ce fut sans problème. Pierre-Luc avait décidé qu'on serait côte à côte, à genoux contre un des lits, aussi les deux tireurs se retrouvèrent-ils épaule contre épaule... Ils échangèrent maint regard, mi-amusé, mi-étonné... et mi-excité, aussi !
Et puis, alors que l'action était bien engagée, Corentin eut envie de prendre Luc-Adolphe par l'épaule... et le minet lui en fit autant. Dès lors, ce fut en se regardant dans les yeux que ces mectons fourrèrent... et ils ne se lâchèrent pas avant de remplir... leur mission, et le cul de leurs amis.
Ayant déculé, ils se tombèrent en les bras l'un de l'autre. Pierre-Luc ordonna la douche, puis on sauta dans l'eau. Mais dès cet instant, il parut évident que quelque chose s'était noué entre ces jeunes gens. Aussi Pierre-Luc déclara-t-il, en fin de soirée :
— Lucado ! T'autorises Jeannot à dormir avec moi dans la chambre bleue ?
— Vous savez bien que vous faites ce que vous voulez !
— Si je veux ! fit Jeannot.
— T'en meurs d'envie, non ? demanda Pierre-Luc.
— Mais toi ?
— Je veux mourir avec toi. D'envie, aussi.
Silence, sur la terrasse ! Pierre-Luc poursuivit :
— Du coup, Corentin, t'es obligé de dormir avec notre Lucado national !
Ces garçons se regardèrent, indécis, mais... encore qu'il vînt de prendre son pied de la belle manière, Corentin avait envie d'en savoir plus sur le fin Luc-Adolphe. Et il se sentait bien, ici : car rien ne le contraignait. Il sourit donc.
On finit, après un petit coup de mirabelle pompé dans les réserves de Maman, par se mettre en ordre pour la nuit.
Mais Luc-Adolphe déclara à Corentin :
— T'es obligé à rien, tu sais ? J'ai d'autres chambres, et même je t'offre le taxi, si tu veux.
— Toi, ça t'embête si je reste... avec toi ?
— Oh non, non, bien sûr ! s'exclama le garçon avec un immense sourire... qui en provoqua un autre chez Corentin.
On gagna la chambre de Luc-Adolphe, bel endroit qui impressionna Corentin : livres, CD, reproductions aux murs... La classe, quoi, qui l'épata grandement... mais moins cependant que la simplicité, presque l'humilité du garçon.
On échangea quelques mots anodins avant de se rapprocher. Ne pouvant agir lui-même, Corentin se mit à ronronner et à geindre doucement... ce qui encouragea le mouvement. Au matin on trouva la nuit trop courte... et il parut vite que la vie ne serait pas trop longue pour s'aimer... car ça presse !
21. III. 2023
Amitiés de Louklouk !