04-11-2020, 08:12 PM
[glow=red,2,300]L'Or des scythes[/glow]
- Nouvelle gay avec ces mots imposés :
Or des scythes
troulala
épiphénomène
reliquat
académicien
veulerie
________________________
(1/2)
L'Or des Scythes ! Qui n'a rêvé d'aller voir cette prestigieuse exposition ? Or Armel en avait eu l'occasion, totalement inattendue, lorsque que son pote de lycée Vincent lui avait parlé de ladite exposition.
Et lui avait dit qu'il irait seul, lui, car son grand-oncle était un des commissaires de l'exposition. Et qu’il ne se farcirait pas l'expédition prévue par le lycée.
Non que ces jeunes gens se connussent plus que ça, dans la classe de terminale du lycée Amélie Mauresmo. Mais on avait un peu copiné, comme ci, comme ça. Deux profils assez semblables, en vérité. Deux garçons timides, gracieux et souriants, et surtout pas des chefs de bande !
Et des intellos, surtout ! Au point que si l'on s'était parlé, c'était surtout sur le banc de touche du foot, lors des séances de stade du bahut...
— Mais... pourquoi il est commissaire de l'exposition, ton oncle ? demanda Armel.
— C'est un spécialiste... et il est même académicien !
— Hein ?
— De l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres.
— Ha ! fit Armel, épaté. Mais...
Vincent donna quelques explications, avant de proposer à Armel de profiter de son invitation. Ce qui signifierait qu'il n'aurait pas à accompagner la classe de dessin, avec laquelle cette sortie était prévue... Vincent ayant brandi un joli papier signé d'un académicien.
Certes, la prof avait exigé un rapport détaillé... mais elle n'avait pas osé braver un membre de l'Institut.
Mais il dut se lever tôt, ce samedi-là, Armel ! Car Charles de Patéfin, le savant grand-oncle, allait faire la visite guidée à son petit-neveu et à son copain.
Ce fut un homme dans la soixantaine qui accueillit les jeunes gens devant l'entrée... à neuf heures du matin. Un homme souriant et des plus chaleureux, qui offrit une visite parfaitement compréhensible à des garçons totalement ignorants de ces choses... et qui surtout leur donna quelques documents non destinés au public... et qui devraient jouer leur rôle dans la suite des événements : le rapport exigé par la prof. Qui serait lu en classe.
Trois heures plus tard, le grand-oncle quittait les garçons, non sans avoir déclaré corriger leur exposé...
Et Armel se retrouva chez Vincent. On a dit que ces jeunes gens ne se connaissaient guère ; aussi fit-on de vifs progrès dans le domaine mondain. Où il parut qu'on avait plus d'un point commun, dont le moins important n'était pas un joli goût pour la rigolade. L’esprit, plutôt.
Vincent était d'une famille aisée, et il disposait d'une véritable suite : chambre, salon et salle d'eau. Certes, la famille d'Armel n'était pas sans ressources, mais le luxe où vivait Vincent épata ce jeune homme. Cependant Vincent était la simplicité et la spontanéité mêmes, et Armel ne se sentit jamais gêné céans.
Vincent proposa une tartine de vraies rillettes du Mans, la famille ayant des biens dans ce pays. Et ma foi, la proposition eut le don de faire rire Armel... mais pas longtemps. Car lorsqu'il goûta ce sommet de la charcuterie mondiale, il prit la chose vraiment au sérieux.
Et le coup de cidre du Maine qui accompagna les rillettes donna de la gaieté aux minets, si tant est qu'ils en manquassent.
Armel possédait une plume alerte... et il osa proposer de rédiger le travail commun : aubaine aussitôt acceptée par Vincent, vous pensez !
Puis on continua à causer... et à se découvrir encore des centres d'intérêt communs. Bref, ces garçons trouvèrent que la situation était des plus charmantes. Et il fut décidé que ces jeunes gens passeraient leur dimanche ensemble.
Promenade d'abord, puis déjeuner dans l’appartement de Vincent, puis jeux vidéo et rigolade...
Mais Armel avait déjà commencé la rédaction de l'exposé, qu'on avait d'ailleurs travaillé comme-ci, comme-ça, entre deux éclats de rire.
L'esprit vif de ce garçon fit qu'on n'eut guère besoin d'y travailler, à cet exposé ! Car il fut torché en deux temps, trois mouvements.
Vitement envoyé au grand-oncle académicien, le texte reçut un avis favorable le lundi soir, assorti d'une invitation, « pour mettre les choses au point »...
Où Vincent tordit un peu le nez.
— Ça te chiffonne ? demanda Armel.
— Me farcir le vieux...
— Ben... J'y vais tout seul, pas de problème ! J'me suis bien éclaté sur ce truc, alors... un académicien... Et puis il est sympa, tu grand-tonton, non ?
Ainsi fut donc décidé.
— Frimeur !
— Tu diras pas la même chose quand t'auras un dix-huit et demi grâce à moi... et à ton vieux tonton !
Ce fut donc seul qu'Armel se présenta en l'hôtel du grand-tonton, le mardi soir, à sept heures. Où, un peu tremblant quand même, il fut présenté à un autre académicien... et au petit-fils d'iceluy.
Le grand-père attaqua tout de suite, la coupe de champagne en main :
— J'ai aussi lu votre excellent texte, jeune homme, et j'ai tenu à le faire lire à mon Antoine préféré... ici présent... mon petit-fils.
Le garçon sourit, l’air gêné ; il rougit même. Ce qui n’empêcha pas Armel de le trouver bien de sa personne…
— Mon Antoine, poursuivit le pépé vient de commencer des études d’histoire de l’art, et je me suis dit en vous lisant que, bien qu’il soit un peu plus âgé que vous, vous pourriez avoir intérêt à échanger des idées, des connaissances… Tout, quoi !
— Mais… avec plaisir, Monsieur, fit Armel, intimidé… tout autant que le lui semblait ledit Antoine !
— Bien sûr que vous ne ferez que ce que vous voudrez, précisa l’oncle de Vincent. Nous avions pensé, mon ami et moi, que… Mais bon ! La science n’a peut-être pas besoin de nous ! fit gaiement le vieil homme.
On parla alors d’autres choses, tout en picolant. Les vertus bien connues du champagne détendirent ces jeunes gens, et nul ne moufta quand ces Messieurs déclarèrent avoir importante affaire à régler… mais qui ne concernait pas le public.
Les minets sourirent et Antoine entraîna Armel à la cuisine, au motif d’y quérir de quoi boire encore, et manger aussi. L’endroit était une vaste et superbe pièce du XVIIIème siècle sise au sous-sol de l’hôtel.
— Tu es ici comme chez toi… remarqua Armel.
— J’y suis, chez moi… sais-tu ?
— Pardon ?
— Faut que je te parle, viens.
On se posa face à face, sur une grande table ancienne, tandis que le garçon ouvrait une bouteille de champagne, et une petite terrine délicate.
— Bon ! T’es assis ? J’y vais ! En fait… mon grand-père veut absolument me marier.
— Ah ! Et alors ?
— Avec un garçon dans ses idées : un intello, artiste et non-conformiste, etc., etc. Et surtout : beau.
— Mais tu… toi…
— Je suis gay, oui. Et toi, tu serais parfait, dans le rôle du mari.
— Quoi ? s’écria Armel en se soulevant du banc.
— Calme-toi ! Je te dis seulement les choses qu’ils pensent, les deux vieux ! T’as quand même compris qu’ils étaient ensemble ?
— Hein ? sursauta Armel, mais non, non, rien du tout !
— Eh ben voilà. D’abord ils ont voulu me marier à ton pote Vincent, mais ça a raté, puisqu’il a même pas voulu me rencontrer, et puis ils t’ont trouvé, alors…
On se regarda une seconde… avant d’éclater de rire. C’était trop, tout ça !
Antoine parla donc longuement. Oh ! Rien de scandaleux en cette histoire, nenni ! Juste deux gays soucieux du bonheur intellectuel de leurs jeunes proches.
— Ils sont touchants, avec leurs petites manœuvres, dit enfin Antoine. Moi j’y ai droit depuis mes dix-huit ans !
— Hein ? Et…
— Rien à leur reprocher : ils ont mis dans mon lit des tas de gentils minets plus sérieux les uns que les autres, et supercalés en tout… et je me suis bien amusé, ça oui ! Mais ils ne m’ont pas marié.
— Mais… hasarda Armel, t’as… quelqu’un ?
— Non. Le comble, c’est que je vois par-ci, par-là des mecs qu’ils m’ont présentés, et qui ne sont pas casés non plus ! Mais toi, Armel… t’en es où, avec Vincent ?
— Maiiis ! bêla Armel, désarmé. Nulle part ! On se connaît pratiquement pas et…
— Et au fait : vous êtes gays, tous les deux ?
— Ben… j’en sais rien, moi !
— Même pour toi ? insista doucement Antoine.
— Ben… fit Armel, affreusement gêné.
— En tout cas… tu mériterais de l’être, tellement t’es beau, et gentil, tu sais ?
— Oh ! fit Armel en rougissant fortement. Je sais pas… Je sais pas, vraiment !
Antoine le regarda gravement un instant, et Armel frémit.
Le sourire délicat d’Antoine le calma doucement. Il se sentit en confiance avec ce joli, très joli garçon. Lui qui était puceau jusqu’à la moelle…
— Tu me dis pas ce que tu veux pas, Armel. Je te trouve sympa et… si vous voulez, Vincent et toi, je relirai encore votre exposé. Même si je ne suis toujours pas de l’Académie !
On se sourit largement ; on prit une gorgée de champagne, et Armel se sentit heureux d’être là, soudain : il était… étonnant, cet Antoine-là !
Qui venait pourtant de mettre le doigt sur un point important de sa vie : une gaytitude non vécue… Et il eut envie d’en parler. Il osa :
— Tu crois que Vincent est…
— Gay ? Oui. Mais si tu ne veux pas de lui…
— Oh ! Mais c’est pas le sujet, ça ! Moi, je suis pas…
— On est ce qu’on est… mais on aime qui l’on aime. Laisse ton cœur parler, c’est lui qui a raison !
— Ah !
— Et puis… si c’est ta bite qui te donne son avis… songe qu’elle a peut-être aussi ses raisons…
Armel rougit derechef, et il accepta la main d’Antoine, qui le ramena au salon. Où la suite fut des plus tendres. Armel découvrit les délicats plaisirs qu’offrent les bras d’un gentil garçon. Il découvrait tout, en fait !
Mais il ne fut pas prévu qu’on se reverrait, si l’on restait en contact. Et puis… à une question d’Antoine, Armel répondit ne rien dire à Vincent. Antoine en promit autant.
Vint le jour où l’exposé de ces jeunes gens était programmé. Nul n’avait parlé des académiciens, bien sûr ! Armel le débita le plus sûrement du monde, et il parut que cela avait fait son effet sur la classe.
D’ailleurs, l’exposé terminé, il y eut un blanc. La prof ouvrit le débat :
— Des questions ? Sur le fond comme sur la forme.
Il y en eut, des questions, pas trop, et dont Armel se sortit avec brio. Ce qui fit que la prof en posa, des questions… et toujours Armel y répondit.
— Merci, Armel, dit enfin la prof. Vous avez travaillé remarquablement, tous les deux.
— Madame ! fit Vincent en levant le bras. On a bossé tous les deux sur le texte, mais l’écriture, et la mise en forme sont d’Armel. Et bien sûr l’exposé.
— Merci, Vincent. Alors… je vais donc vous donner 19, à vous… et 19,5 à votre ami.
— Oh ! fit la classe, étonnée.
— C’est un très beau travail de synthèse et de composition : j’aimerais que tout le monde relise votre exposé. Cela vous servira en français aussi, et ailleurs !
— Me présenterez-vous un jour qui vous a… possiblement aidé en ce travail de… professionnel ? demanda la prof en retenant les garçons à la fin du cours.
— Oui, Madame, dit froidement Vincent, mais… vous le savez déjà.
— J’en serais curieuse… et honorée, tout aussi.
— Merci, Madame, dit alors Armel.
— On l’invite à la Mazarine, ça va lui couper la chique ! déclara Vincent en quittant la prof.
— La quoi ?
— La Bibliothèque Mazarine, celle de Mazarin, et qu’il a léguée au Roi. Elle est à l’Académie. Et même… on va faire venir nos vieux pédés en costume d’académicien, un jour de séance ! J’te raconte pas le triomphe !
— Ah ! fit Armel, baba. T’es… T’es…
— Un génie, oui, merci ! conclut Vincent, tout sourire.
Le plus épatant fut que ça marcha, cette affaire-là ! Mais heureusement qu’ils étaient pressés, les vieux, car la prof en avait, des questions à leur poser !
— Vous m’avez bluffée, Messieurs ! avoua la prof, alors qu’on sortant de l’Institut de France, où sont logées les Académies. Mais du coup… je ne suis pas sûre que vous méritiez vos notes…
— Madame ! Je vous jure… sur la mémoire du cardinal Mazarin… que c’est réellement Armel qui a tout écrit ! Il a juste été relu par mon grand-oncle, et aussi par son ami, mais… aucun n’a retouché quoi que ce soit !
— Bien ! fit la prof en souriant. Après tout… je n’ai pas souvent des élèves comme vous !
On l’invita en un huppé salon de thé. Où Madame osa une dernière question, juste avant qu’on se séparât :
— Ne me répondez pas si cela vous gêne… et ceci restera entre nous… Vous êtes en couple, non ?
— Oh ! firent les garçons, non, non !
— Pardonnez-moi, Messieurs… mais permettez-moi de vous dire que… vous allez si bien ensemble que… Pardonnez mon indiscrétion, Messieurs.
— Oh… C’est rien… fit alors Vincent, ça doit être un… épiphénomène de je sais pas quoi, ça ! Parce que… les deux académiciens que vous venez de rencontrer ont justement la même idée que vous !
La prof éclata d’un joli rire clair, suivie par les garçons.
— Ne ratez pas votre chance, jeunes gens ! fit la prof en les quittant.
- Nouvelle gay avec ces mots imposés :
Or des scythes
troulala
épiphénomène
reliquat
académicien
veulerie
________________________
(1/2)
L'Or des Scythes ! Qui n'a rêvé d'aller voir cette prestigieuse exposition ? Or Armel en avait eu l'occasion, totalement inattendue, lorsque que son pote de lycée Vincent lui avait parlé de ladite exposition.
Et lui avait dit qu'il irait seul, lui, car son grand-oncle était un des commissaires de l'exposition. Et qu’il ne se farcirait pas l'expédition prévue par le lycée.
Non que ces jeunes gens se connussent plus que ça, dans la classe de terminale du lycée Amélie Mauresmo. Mais on avait un peu copiné, comme ci, comme ça. Deux profils assez semblables, en vérité. Deux garçons timides, gracieux et souriants, et surtout pas des chefs de bande !
Et des intellos, surtout ! Au point que si l'on s'était parlé, c'était surtout sur le banc de touche du foot, lors des séances de stade du bahut...
— Mais... pourquoi il est commissaire de l'exposition, ton oncle ? demanda Armel.
— C'est un spécialiste... et il est même académicien !
— Hein ?
— De l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres.
— Ha ! fit Armel, épaté. Mais...
Vincent donna quelques explications, avant de proposer à Armel de profiter de son invitation. Ce qui signifierait qu'il n'aurait pas à accompagner la classe de dessin, avec laquelle cette sortie était prévue... Vincent ayant brandi un joli papier signé d'un académicien.
Certes, la prof avait exigé un rapport détaillé... mais elle n'avait pas osé braver un membre de l'Institut.
Mais il dut se lever tôt, ce samedi-là, Armel ! Car Charles de Patéfin, le savant grand-oncle, allait faire la visite guidée à son petit-neveu et à son copain.
Ce fut un homme dans la soixantaine qui accueillit les jeunes gens devant l'entrée... à neuf heures du matin. Un homme souriant et des plus chaleureux, qui offrit une visite parfaitement compréhensible à des garçons totalement ignorants de ces choses... et qui surtout leur donna quelques documents non destinés au public... et qui devraient jouer leur rôle dans la suite des événements : le rapport exigé par la prof. Qui serait lu en classe.
Trois heures plus tard, le grand-oncle quittait les garçons, non sans avoir déclaré corriger leur exposé...
Et Armel se retrouva chez Vincent. On a dit que ces jeunes gens ne se connaissaient guère ; aussi fit-on de vifs progrès dans le domaine mondain. Où il parut qu'on avait plus d'un point commun, dont le moins important n'était pas un joli goût pour la rigolade. L’esprit, plutôt.
Vincent était d'une famille aisée, et il disposait d'une véritable suite : chambre, salon et salle d'eau. Certes, la famille d'Armel n'était pas sans ressources, mais le luxe où vivait Vincent épata ce jeune homme. Cependant Vincent était la simplicité et la spontanéité mêmes, et Armel ne se sentit jamais gêné céans.
Vincent proposa une tartine de vraies rillettes du Mans, la famille ayant des biens dans ce pays. Et ma foi, la proposition eut le don de faire rire Armel... mais pas longtemps. Car lorsqu'il goûta ce sommet de la charcuterie mondiale, il prit la chose vraiment au sérieux.
Et le coup de cidre du Maine qui accompagna les rillettes donna de la gaieté aux minets, si tant est qu'ils en manquassent.
Armel possédait une plume alerte... et il osa proposer de rédiger le travail commun : aubaine aussitôt acceptée par Vincent, vous pensez !
Puis on continua à causer... et à se découvrir encore des centres d'intérêt communs. Bref, ces garçons trouvèrent que la situation était des plus charmantes. Et il fut décidé que ces jeunes gens passeraient leur dimanche ensemble.
Promenade d'abord, puis déjeuner dans l’appartement de Vincent, puis jeux vidéo et rigolade...
Mais Armel avait déjà commencé la rédaction de l'exposé, qu'on avait d'ailleurs travaillé comme-ci, comme-ça, entre deux éclats de rire.
L'esprit vif de ce garçon fit qu'on n'eut guère besoin d'y travailler, à cet exposé ! Car il fut torché en deux temps, trois mouvements.
Vitement envoyé au grand-oncle académicien, le texte reçut un avis favorable le lundi soir, assorti d'une invitation, « pour mettre les choses au point »...
Où Vincent tordit un peu le nez.
— Ça te chiffonne ? demanda Armel.
— Me farcir le vieux...
— Ben... J'y vais tout seul, pas de problème ! J'me suis bien éclaté sur ce truc, alors... un académicien... Et puis il est sympa, tu grand-tonton, non ?
Ainsi fut donc décidé.
— Frimeur !
— Tu diras pas la même chose quand t'auras un dix-huit et demi grâce à moi... et à ton vieux tonton !
Ce fut donc seul qu'Armel se présenta en l'hôtel du grand-tonton, le mardi soir, à sept heures. Où, un peu tremblant quand même, il fut présenté à un autre académicien... et au petit-fils d'iceluy.
Le grand-père attaqua tout de suite, la coupe de champagne en main :
— J'ai aussi lu votre excellent texte, jeune homme, et j'ai tenu à le faire lire à mon Antoine préféré... ici présent... mon petit-fils.
Le garçon sourit, l’air gêné ; il rougit même. Ce qui n’empêcha pas Armel de le trouver bien de sa personne…
— Mon Antoine, poursuivit le pépé vient de commencer des études d’histoire de l’art, et je me suis dit en vous lisant que, bien qu’il soit un peu plus âgé que vous, vous pourriez avoir intérêt à échanger des idées, des connaissances… Tout, quoi !
— Mais… avec plaisir, Monsieur, fit Armel, intimidé… tout autant que le lui semblait ledit Antoine !
— Bien sûr que vous ne ferez que ce que vous voudrez, précisa l’oncle de Vincent. Nous avions pensé, mon ami et moi, que… Mais bon ! La science n’a peut-être pas besoin de nous ! fit gaiement le vieil homme.
On parla alors d’autres choses, tout en picolant. Les vertus bien connues du champagne détendirent ces jeunes gens, et nul ne moufta quand ces Messieurs déclarèrent avoir importante affaire à régler… mais qui ne concernait pas le public.
Les minets sourirent et Antoine entraîna Armel à la cuisine, au motif d’y quérir de quoi boire encore, et manger aussi. L’endroit était une vaste et superbe pièce du XVIIIème siècle sise au sous-sol de l’hôtel.
— Tu es ici comme chez toi… remarqua Armel.
— J’y suis, chez moi… sais-tu ?
— Pardon ?
— Faut que je te parle, viens.
On se posa face à face, sur une grande table ancienne, tandis que le garçon ouvrait une bouteille de champagne, et une petite terrine délicate.
— Bon ! T’es assis ? J’y vais ! En fait… mon grand-père veut absolument me marier.
— Ah ! Et alors ?
— Avec un garçon dans ses idées : un intello, artiste et non-conformiste, etc., etc. Et surtout : beau.
— Mais tu… toi…
— Je suis gay, oui. Et toi, tu serais parfait, dans le rôle du mari.
— Quoi ? s’écria Armel en se soulevant du banc.
— Calme-toi ! Je te dis seulement les choses qu’ils pensent, les deux vieux ! T’as quand même compris qu’ils étaient ensemble ?
— Hein ? sursauta Armel, mais non, non, rien du tout !
— Eh ben voilà. D’abord ils ont voulu me marier à ton pote Vincent, mais ça a raté, puisqu’il a même pas voulu me rencontrer, et puis ils t’ont trouvé, alors…
On se regarda une seconde… avant d’éclater de rire. C’était trop, tout ça !
Antoine parla donc longuement. Oh ! Rien de scandaleux en cette histoire, nenni ! Juste deux gays soucieux du bonheur intellectuel de leurs jeunes proches.
— Ils sont touchants, avec leurs petites manœuvres, dit enfin Antoine. Moi j’y ai droit depuis mes dix-huit ans !
— Hein ? Et…
— Rien à leur reprocher : ils ont mis dans mon lit des tas de gentils minets plus sérieux les uns que les autres, et supercalés en tout… et je me suis bien amusé, ça oui ! Mais ils ne m’ont pas marié.
— Mais… hasarda Armel, t’as… quelqu’un ?
— Non. Le comble, c’est que je vois par-ci, par-là des mecs qu’ils m’ont présentés, et qui ne sont pas casés non plus ! Mais toi, Armel… t’en es où, avec Vincent ?
— Maiiis ! bêla Armel, désarmé. Nulle part ! On se connaît pratiquement pas et…
— Et au fait : vous êtes gays, tous les deux ?
— Ben… j’en sais rien, moi !
— Même pour toi ? insista doucement Antoine.
— Ben… fit Armel, affreusement gêné.
— En tout cas… tu mériterais de l’être, tellement t’es beau, et gentil, tu sais ?
— Oh ! fit Armel en rougissant fortement. Je sais pas… Je sais pas, vraiment !
Antoine le regarda gravement un instant, et Armel frémit.
Le sourire délicat d’Antoine le calma doucement. Il se sentit en confiance avec ce joli, très joli garçon. Lui qui était puceau jusqu’à la moelle…
— Tu me dis pas ce que tu veux pas, Armel. Je te trouve sympa et… si vous voulez, Vincent et toi, je relirai encore votre exposé. Même si je ne suis toujours pas de l’Académie !
On se sourit largement ; on prit une gorgée de champagne, et Armel se sentit heureux d’être là, soudain : il était… étonnant, cet Antoine-là !
Qui venait pourtant de mettre le doigt sur un point important de sa vie : une gaytitude non vécue… Et il eut envie d’en parler. Il osa :
— Tu crois que Vincent est…
— Gay ? Oui. Mais si tu ne veux pas de lui…
— Oh ! Mais c’est pas le sujet, ça ! Moi, je suis pas…
— On est ce qu’on est… mais on aime qui l’on aime. Laisse ton cœur parler, c’est lui qui a raison !
— Ah !
— Et puis… si c’est ta bite qui te donne son avis… songe qu’elle a peut-être aussi ses raisons…
Armel rougit derechef, et il accepta la main d’Antoine, qui le ramena au salon. Où la suite fut des plus tendres. Armel découvrit les délicats plaisirs qu’offrent les bras d’un gentil garçon. Il découvrait tout, en fait !
Mais il ne fut pas prévu qu’on se reverrait, si l’on restait en contact. Et puis… à une question d’Antoine, Armel répondit ne rien dire à Vincent. Antoine en promit autant.
Vint le jour où l’exposé de ces jeunes gens était programmé. Nul n’avait parlé des académiciens, bien sûr ! Armel le débita le plus sûrement du monde, et il parut que cela avait fait son effet sur la classe.
D’ailleurs, l’exposé terminé, il y eut un blanc. La prof ouvrit le débat :
— Des questions ? Sur le fond comme sur la forme.
Il y en eut, des questions, pas trop, et dont Armel se sortit avec brio. Ce qui fit que la prof en posa, des questions… et toujours Armel y répondit.
— Merci, Armel, dit enfin la prof. Vous avez travaillé remarquablement, tous les deux.
— Madame ! fit Vincent en levant le bras. On a bossé tous les deux sur le texte, mais l’écriture, et la mise en forme sont d’Armel. Et bien sûr l’exposé.
— Merci, Vincent. Alors… je vais donc vous donner 19, à vous… et 19,5 à votre ami.
— Oh ! fit la classe, étonnée.
— C’est un très beau travail de synthèse et de composition : j’aimerais que tout le monde relise votre exposé. Cela vous servira en français aussi, et ailleurs !
— Me présenterez-vous un jour qui vous a… possiblement aidé en ce travail de… professionnel ? demanda la prof en retenant les garçons à la fin du cours.
— Oui, Madame, dit froidement Vincent, mais… vous le savez déjà.
— J’en serais curieuse… et honorée, tout aussi.
— Merci, Madame, dit alors Armel.
— On l’invite à la Mazarine, ça va lui couper la chique ! déclara Vincent en quittant la prof.
— La quoi ?
— La Bibliothèque Mazarine, celle de Mazarin, et qu’il a léguée au Roi. Elle est à l’Académie. Et même… on va faire venir nos vieux pédés en costume d’académicien, un jour de séance ! J’te raconte pas le triomphe !
— Ah ! fit Armel, baba. T’es… T’es…
— Un génie, oui, merci ! conclut Vincent, tout sourire.
Le plus épatant fut que ça marcha, cette affaire-là ! Mais heureusement qu’ils étaient pressés, les vieux, car la prof en avait, des questions à leur poser !
— Vous m’avez bluffée, Messieurs ! avoua la prof, alors qu’on sortant de l’Institut de France, où sont logées les Académies. Mais du coup… je ne suis pas sûre que vous méritiez vos notes…
— Madame ! Je vous jure… sur la mémoire du cardinal Mazarin… que c’est réellement Armel qui a tout écrit ! Il a juste été relu par mon grand-oncle, et aussi par son ami, mais… aucun n’a retouché quoi que ce soit !
— Bien ! fit la prof en souriant. Après tout… je n’ai pas souvent des élèves comme vous !
On l’invita en un huppé salon de thé. Où Madame osa une dernière question, juste avant qu’on se séparât :
— Ne me répondez pas si cela vous gêne… et ceci restera entre nous… Vous êtes en couple, non ?
— Oh ! firent les garçons, non, non !
— Pardonnez-moi, Messieurs… mais permettez-moi de vous dire que… vous allez si bien ensemble que… Pardonnez mon indiscrétion, Messieurs.
— Oh… C’est rien… fit alors Vincent, ça doit être un… épiphénomène de je sais pas quoi, ça ! Parce que… les deux académiciens que vous venez de rencontrer ont justement la même idée que vous !
La prof éclata d’un joli rire clair, suivie par les garçons.
— Ne ratez pas votre chance, jeunes gens ! fit la prof en les quittant.
Amitiés de Louklouk !