09-07-2021, 08:59 PM
* 67 *
Je me sens vraiment minable en le quittant. Mais... je m'accroche toujours au mince espoir d'y avoir échappé, d'une manière ou d'une autre. Punaise, je croise les doigts, quelque chose de bien...
Perdu dans mes pensées, je rentre dans un médecin qui vient en sens inverse. L'homme, âgé, sursaute violemment, il était visiblement lui aussi perdu dans ses pensées.
- Oh, pardon !
- Désolé, je ne...
Stupéfait, il me fixe. Je devine qu'il doit me confondre avec mon frère alité et doit croire au miracle. Toutefois, je comprends que ce n'est pas du tout le cas, lorsqu'il s'exclame :
- Mais je vous connais ! Vous êtes... enfin, je veux dire, non, bien sûr.
- Je vous demande pardon ?
Un souvenir me revient en mémoire, à propos d'une petite vieille qui me surveillait dans la bibliothèque. Si elle a existé ailleurs que dans l'imagination de mon jumeau, ça commence à faire beaucoup de coïncidences. Visiblement, on me connaît, ou du moins, on connaît quelqu'un qui me ressemble beaucoup. Je décide de tenter le coup. C'est trop bizarre, je veux savoir.
- Visiblement, je vous rappelle quelqu'un. Je vous en prie, j'ai besoin de connaître la vérité. Il y a trop de choses troublantes dans ma vie, trop de mystères.
Il hésite un moment, puis soupire.
- Très bien, après tout, je pense que vous avez le droit de savoir. Je connais votre père. Enfin... vous voyez ce que je veux dire ?
- Euh... peut-être bien. Mais ce n'est pas vraiment clair, réponds-je tandis que je réfléchis furieusement, très excité tout d'un coup. Car je pense en effet deviner de qui il parle... Mais comment serait-ce possible ?
- Oui, excusez-moi, c'est la surprise, vous voyez, vous voir là, devant moi, ça m'a renvoyé bien des années en arrière. Vous lui ressemblez tellement... Je l'ai connu quand il avait votre âge, vous savez.
- Vraiment ? J'aimerais tellement en savoir plus sur lui...
- Eh bien, j'en ai terminé ici, j'étais venu pour un cas d'adrénomyéloneuropathie, vraiment très intéressant je dois dire, cette maladie est...
- Vous parliez de mon père...
- Ah ! Oui. Venez avec moi, j'ai un bureau non loin, nous pourrons discuter, il est bien normal que vous soyez curieux, vous ne l'avez pas connu après tout, je ne me trompe pas ?
- Non, pas du tout, dis-je, surpris.
Comment peut-il le savoir ? Je sens que je vais en apprendre beaucoup sur moi... revenir ici, au sources de mon passé - de notre passé - impliquait ce risque, surtout dans cet hôpital où tout s'est joué, je l'ai compris la dernière fois. Mais, de nouveau, ma curiosité prend le pas sur les risques que tout cela fait courir sur ma famille.
- C'était un brave homme, vous savez, triste, mais le cœur sur la main. Et très amoureux...
- Vous parlez de lui au passé...
- Oui, hélas, le fait que votre mère soit partie avec ses fils lui a fait beaucoup de mal.
Je me fige sur place.
- Quoi ?!
- Oh. C'est vrai, vous n'êtes au courant de rien... venez, dit-il en indiquant une porte, nous serons mieux là-dedans pour ressortir les squelettes de ce placard.
Misère... j'aurais préféré ne rien entendre. Mais qu'est-ce que c'est que cette histoire encore ?
Mais est-ce seulement la mienne ? Je ne dois pas m'emballer, tout ceci n'est peut-être qu'une erreur...
Non, il y a quelque chose qui cloche, et mon père, euh, officiel, dans tout ça ? Que sait-il, lui ?
Je m'installe devant son bureau, le cœur battant, attendant qu'il rassemble ses souvenirs. Il finit par reprendre la parole.
- Votre père était à l'époque un jeune homme promis à un brillant avenir, je n'avais aucun doute à ce sujet. Comme c'était le fils de mon meilleur ami, je l'avais pris sous mon aile, et je ne pouvais que m'en féliciter. Des années plus tard, à l'époque où votre mère l'a rencontré, il était déjà bien établi. Encore jeune, mais talentueux, ce qui a fait qu'on a parlé de lui bien au-delà de notre ville.
- Quelle était sa spécialité ?
- La procréation assistée.
Ça colle ! Tous mes soupçons se confirment ! Ma mère m'a caché des choses, mais c'est sa vie après tout. Bon... voyons le reste.
- Je vois que ça vous fait réagir, mais je pense que vous ignorez la suite... Vos parents, je veux dire, votre mère et son mari, sont venus pour leur problème d'infertilité. Comme c'était un spécialiste reconnu, ils ont fait le voyage jusqu'ici pour le rencontrer.
- Voilà qui explique ce qu'ils faisaient aussi loin de chez moi.
- Tout à fait. Une fois la cause identifiée, ils ont fait les demandes nécessaires pour une insémination artificielle. Votre mère est restée seule, son mari devant repartir à cause de son travail. Ce qu'il ignorait, c'est que le médecin et votre mère ont vécu un véritable coup de foudre.
- Quoi ?!
- Eh oui... Ce n'était pas sans poser des problèmes de conscience à mon protégé, qui s'en est ouvert à moi, c'est pour cette raison que je suis au courant de toute cette histoire. Mais ils ont cédé à leurs sentiments, sachant toutefois que c'était sans avenir : votre mère aimait profondément son mari, et ne l'aurait pas quitté.
- Je n'ai pas pu être conçu naturellement, ce n'est pas possible !
- Non, en effet. Ça aurait tout révélé. Donc, ils se sont protégés, et le grand jour, c'est lui qui a fourni la semence. C'était facile pour lui, étant dans la place.
- Non, toute cette histoire est extrêmement plausible, mais il y a toujours un truc qui cloche.
- Oui, il y avait une autre femme en attente de...
- Non, je connais cette histoire, c'est à la naissance que ça a cloché.
- Oui, je le sais, j'étais là.
Décidément, ce gars-là m'épate. Quand je pense à toutes les souffrances que mon frère et moi avons traversé pour soulever un brin du voile, si nous avions su... mais comment aurions-nous pu ?
- Que s'est-il passé ?
- Vous êtes tous les deux arrivés avant terme. Je pense que vous et votre frère êtes issus d'un même embryon qui s'est scindé, vous savez, la technique était balbutiante à l'époque, la France a commencé avec un tel retard que même l'Inde nous était passée devant... enfin, il arrivait encore qu'on attende trop avant de réimplanter, et le taux d'échec était assez élevé. Mais vous êtes nés.
- Et il y a eu un problème.
- Oui, on a bien cru que nous allions vous perdre. À tel point, d'ailleurs, que mon protégé a pris une décision désespérée.
- Il a voulu échanger les nourrissons... mais pourquoi ?
- Pour que votre mère ne souffre pas. Il l'aimait toujours, vous savez. Alors il a trafiqué les bulletins de naissance, transcrivant vos informations sur une autre fiche.
- La fiche que j'ai lu ! J'ai cru...
- Non, heureusement, il n'a pas eu besoin d'en arriver à de telles extrémités. L'amour peut confiner à la folie, vous savez, dit-il en secouant la tête.
- Il devait avoir une sacrée confiance en vous en vous révélant tout ça.
- Oh, il l'a gardé pour lui pendant de longues années. Il a hésité, devant un tel acte, et est revenu vous voir. Votre état s'était stabilisé, et il a ressenti un immense soulagement - et une grande honte. Il ne me l'a raconté que le jour où il a abandonné ce travail qui lui rappelait trop de souvenirs.
- Qu'est-il devenu ?
- Il est parti en Afrique, il a créé un dispensaire pour s'occuper des pauvres. Je suppose qu'il voulait se racheter.
- Il est mort ?
- Je n'ai plus de nouvelles depuis des années. Je l'ignore.
- Je vois. Merci, du fond du cœur, vous m'ôtez un grand poids.
- Je vous en prie, je suis ravi d'avoir pu vous aider. Hum... qui étiez-vous venu voir, ici ?
- Mon jumeau. Heu...
- Ah. Décidément, le destin emprunte de curieux chemins...
- Je lui ai dit qu'il n'y avait pas de naissance de jumeaux à cette période. Comprenez-moi, rien n'était clair, et je devais protéger la stabilité de ma famille.
- Je comprends, ne vous en faites pas.
- Mais maintenant que je sais...
- Il a le droit de savoir. Je dirai que les documents compromettants ont été détruits, ce que d'ailleurs j'aurais dû faire depuis belle lurette. Mais je n'aurais pas pensé que quelqu'un ferait des recherches.
- Merci. Merci beaucoup.
Je m'apprête à partir lorsque je me fige. J'ai oublié un détail important.
- Minute ! Et mon petit frère ?
Je me sens vraiment minable en le quittant. Mais... je m'accroche toujours au mince espoir d'y avoir échappé, d'une manière ou d'une autre. Punaise, je croise les doigts, quelque chose de bien...
Perdu dans mes pensées, je rentre dans un médecin qui vient en sens inverse. L'homme, âgé, sursaute violemment, il était visiblement lui aussi perdu dans ses pensées.
- Oh, pardon !
- Désolé, je ne...
Stupéfait, il me fixe. Je devine qu'il doit me confondre avec mon frère alité et doit croire au miracle. Toutefois, je comprends que ce n'est pas du tout le cas, lorsqu'il s'exclame :
- Mais je vous connais ! Vous êtes... enfin, je veux dire, non, bien sûr.
- Je vous demande pardon ?
Un souvenir me revient en mémoire, à propos d'une petite vieille qui me surveillait dans la bibliothèque. Si elle a existé ailleurs que dans l'imagination de mon jumeau, ça commence à faire beaucoup de coïncidences. Visiblement, on me connaît, ou du moins, on connaît quelqu'un qui me ressemble beaucoup. Je décide de tenter le coup. C'est trop bizarre, je veux savoir.
- Visiblement, je vous rappelle quelqu'un. Je vous en prie, j'ai besoin de connaître la vérité. Il y a trop de choses troublantes dans ma vie, trop de mystères.
Il hésite un moment, puis soupire.
- Très bien, après tout, je pense que vous avez le droit de savoir. Je connais votre père. Enfin... vous voyez ce que je veux dire ?
- Euh... peut-être bien. Mais ce n'est pas vraiment clair, réponds-je tandis que je réfléchis furieusement, très excité tout d'un coup. Car je pense en effet deviner de qui il parle... Mais comment serait-ce possible ?
- Oui, excusez-moi, c'est la surprise, vous voyez, vous voir là, devant moi, ça m'a renvoyé bien des années en arrière. Vous lui ressemblez tellement... Je l'ai connu quand il avait votre âge, vous savez.
- Vraiment ? J'aimerais tellement en savoir plus sur lui...
- Eh bien, j'en ai terminé ici, j'étais venu pour un cas d'adrénomyéloneuropathie, vraiment très intéressant je dois dire, cette maladie est...
- Vous parliez de mon père...
- Ah ! Oui. Venez avec moi, j'ai un bureau non loin, nous pourrons discuter, il est bien normal que vous soyez curieux, vous ne l'avez pas connu après tout, je ne me trompe pas ?
- Non, pas du tout, dis-je, surpris.
Comment peut-il le savoir ? Je sens que je vais en apprendre beaucoup sur moi... revenir ici, au sources de mon passé - de notre passé - impliquait ce risque, surtout dans cet hôpital où tout s'est joué, je l'ai compris la dernière fois. Mais, de nouveau, ma curiosité prend le pas sur les risques que tout cela fait courir sur ma famille.
- C'était un brave homme, vous savez, triste, mais le cœur sur la main. Et très amoureux...
- Vous parlez de lui au passé...
- Oui, hélas, le fait que votre mère soit partie avec ses fils lui a fait beaucoup de mal.
Je me fige sur place.
- Quoi ?!
- Oh. C'est vrai, vous n'êtes au courant de rien... venez, dit-il en indiquant une porte, nous serons mieux là-dedans pour ressortir les squelettes de ce placard.
Misère... j'aurais préféré ne rien entendre. Mais qu'est-ce que c'est que cette histoire encore ?
Mais est-ce seulement la mienne ? Je ne dois pas m'emballer, tout ceci n'est peut-être qu'une erreur...
Non, il y a quelque chose qui cloche, et mon père, euh, officiel, dans tout ça ? Que sait-il, lui ?
Je m'installe devant son bureau, le cœur battant, attendant qu'il rassemble ses souvenirs. Il finit par reprendre la parole.
- Votre père était à l'époque un jeune homme promis à un brillant avenir, je n'avais aucun doute à ce sujet. Comme c'était le fils de mon meilleur ami, je l'avais pris sous mon aile, et je ne pouvais que m'en féliciter. Des années plus tard, à l'époque où votre mère l'a rencontré, il était déjà bien établi. Encore jeune, mais talentueux, ce qui a fait qu'on a parlé de lui bien au-delà de notre ville.
- Quelle était sa spécialité ?
- La procréation assistée.
Ça colle ! Tous mes soupçons se confirment ! Ma mère m'a caché des choses, mais c'est sa vie après tout. Bon... voyons le reste.
- Je vois que ça vous fait réagir, mais je pense que vous ignorez la suite... Vos parents, je veux dire, votre mère et son mari, sont venus pour leur problème d'infertilité. Comme c'était un spécialiste reconnu, ils ont fait le voyage jusqu'ici pour le rencontrer.
- Voilà qui explique ce qu'ils faisaient aussi loin de chez moi.
- Tout à fait. Une fois la cause identifiée, ils ont fait les demandes nécessaires pour une insémination artificielle. Votre mère est restée seule, son mari devant repartir à cause de son travail. Ce qu'il ignorait, c'est que le médecin et votre mère ont vécu un véritable coup de foudre.
- Quoi ?!
- Eh oui... Ce n'était pas sans poser des problèmes de conscience à mon protégé, qui s'en est ouvert à moi, c'est pour cette raison que je suis au courant de toute cette histoire. Mais ils ont cédé à leurs sentiments, sachant toutefois que c'était sans avenir : votre mère aimait profondément son mari, et ne l'aurait pas quitté.
- Je n'ai pas pu être conçu naturellement, ce n'est pas possible !
- Non, en effet. Ça aurait tout révélé. Donc, ils se sont protégés, et le grand jour, c'est lui qui a fourni la semence. C'était facile pour lui, étant dans la place.
- Non, toute cette histoire est extrêmement plausible, mais il y a toujours un truc qui cloche.
- Oui, il y avait une autre femme en attente de...
- Non, je connais cette histoire, c'est à la naissance que ça a cloché.
- Oui, je le sais, j'étais là.
Décidément, ce gars-là m'épate. Quand je pense à toutes les souffrances que mon frère et moi avons traversé pour soulever un brin du voile, si nous avions su... mais comment aurions-nous pu ?
- Que s'est-il passé ?
- Vous êtes tous les deux arrivés avant terme. Je pense que vous et votre frère êtes issus d'un même embryon qui s'est scindé, vous savez, la technique était balbutiante à l'époque, la France a commencé avec un tel retard que même l'Inde nous était passée devant... enfin, il arrivait encore qu'on attende trop avant de réimplanter, et le taux d'échec était assez élevé. Mais vous êtes nés.
- Et il y a eu un problème.
- Oui, on a bien cru que nous allions vous perdre. À tel point, d'ailleurs, que mon protégé a pris une décision désespérée.
- Il a voulu échanger les nourrissons... mais pourquoi ?
- Pour que votre mère ne souffre pas. Il l'aimait toujours, vous savez. Alors il a trafiqué les bulletins de naissance, transcrivant vos informations sur une autre fiche.
- La fiche que j'ai lu ! J'ai cru...
- Non, heureusement, il n'a pas eu besoin d'en arriver à de telles extrémités. L'amour peut confiner à la folie, vous savez, dit-il en secouant la tête.
- Il devait avoir une sacrée confiance en vous en vous révélant tout ça.
- Oh, il l'a gardé pour lui pendant de longues années. Il a hésité, devant un tel acte, et est revenu vous voir. Votre état s'était stabilisé, et il a ressenti un immense soulagement - et une grande honte. Il ne me l'a raconté que le jour où il a abandonné ce travail qui lui rappelait trop de souvenirs.
- Qu'est-il devenu ?
- Il est parti en Afrique, il a créé un dispensaire pour s'occuper des pauvres. Je suppose qu'il voulait se racheter.
- Il est mort ?
- Je n'ai plus de nouvelles depuis des années. Je l'ignore.
- Je vois. Merci, du fond du cœur, vous m'ôtez un grand poids.
- Je vous en prie, je suis ravi d'avoir pu vous aider. Hum... qui étiez-vous venu voir, ici ?
- Mon jumeau. Heu...
- Ah. Décidément, le destin emprunte de curieux chemins...
- Je lui ai dit qu'il n'y avait pas de naissance de jumeaux à cette période. Comprenez-moi, rien n'était clair, et je devais protéger la stabilité de ma famille.
- Je comprends, ne vous en faites pas.
- Mais maintenant que je sais...
- Il a le droit de savoir. Je dirai que les documents compromettants ont été détruits, ce que d'ailleurs j'aurais dû faire depuis belle lurette. Mais je n'aurais pas pensé que quelqu'un ferait des recherches.
- Merci. Merci beaucoup.
Je m'apprête à partir lorsque je me fige. J'ai oublié un détail important.
- Minute ! Et mon petit frère ?
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