24-06-2021, 10:11 PM
* 58 *
Ne rien laisser paraître. Tout faire pour ne pas voir étaler ma vie privée au grand jour. Tout en priant pour que Bruno n'ait laissé aucune trace.
Venu pour laisser mes empreintes, certain d'être disculpé en cas de problème - je suis resté en famille à plusieurs centaines de kilomètres de chez... mon ex, oui, on peut dire ça. Enfin, mon ami, officiellement.
C'était sans compter avec l'arrivée d'un gars particulièrement inquisiteur qui m'a emmené dans un local à part et a tenu à recueillir ma déposition.
- C'est totalement informel, voyez, aucun enregistrement et nous sommes seuls. Juste mon carnet et moi.
- C'est un peu curieux comme procédure, non ?
- Vous préféreriez le contraire ? Cela devrait vous soulager, plutôt, vous n'êtes accusé de rien, vous savez.
- Oui, c'est vrai. J'aurais eu bien du mal à... pfff... je n'arrive toujours pas à réaliser qu'il est mort.
- Ça prend du temps. Je suis l'inspecteur Peltier. (1)
Bon, dit-il en ouvrant un dossier, je disais que vous n'êtes accusé de rien... pour le moment, du moins. L'enquête suit son cours.
- J'étais chez ma mère ces derniers temps, ici, et lui à l'autre bout de la France.
- Certes. Je pense que mes collègues de Sochaux regardent plutôt du côté de ses relations locales. Vous lui connaissiez d'autres amis ?
- Non... on venait juste de sympathiser, au hasard d'une rencontre.
- Et comment est-ce que ça s'est passé ?
- J'étais en boîte...
- Laquelle ?
- Euh, j'ai vraiment pas retenu le nom. Je m'ennuyais en fait, et lui aussi. On a discuté un peu, on est sorti, on a été dans un café, on a discuté encore, découvert qu'on voulait faire le même métier, et on a fini par échanger nos numéros de téléphone.
- Et ensuite ?
- Bah c'est tout. On s'est revu le lendemain, il voulait me montrer son installation. Bon sang... c'était génial ce qu'il avait créé ! S'il avait eu le temps d'améliorer le système, il aurait pu déposer un brevet et faire fortune, tranquillement.
- Tiens donc, fait soudain l'inspecteur, intéressé. Parlez-moi un peu de ce système.
- Hum. Vous vous y connaissez en matériel informatique ?
- Faites simple.
- Ouille... bon, imaginez...
Une bonne demi-heure plus tard, je souffle enfin. Peltier a noirci des pages de son carnet. On frappe, il se lève et va discuter avec un collègue, à la porte. Il en revient avec une photo, qu'il me montre.
- Ça vient d'arriver. C'est bien lui, n'est-ce pas ?
- Mais... non, pas du tout ! Fais-je, sidéré.
- Vous en êtes certain ?
- Oui, plus que ça même ! Il ne lui ressemble même pas !
La stupeur m'a permis d'amortir le choc d'avoir la photo d'un mort apparaître ainsi sous mes yeux, sans préparation. Ce n'est toutefois pas une expérience agréable. Malgré tout, je ressens un certain... soulagement.
- Mes collègues viennent de chuter dans mon estime, s'ils ne se sont pas encore aperçus de ça. Je ne regrette pas de vous avoir convoqué. Merci pour ces informations.
- De rien, je suis à votre disposition si vous avez encore des questions, dis-je mécaniquement, encore sous le choc de la nouvelle.
Je retourne à la maison, encore assez déboussolé. Si ce n'est pas Bruno qui est mort, alors... maintenant, il va devenir le suspect numéro un dans cette histoire. Est-ce lui qui a tué ce type ? Quand je pense à ce que j'ai vécu avec lui...
Sa récente lettre m'a fait découvrir une facette de lui que j'ignorais. Derrière le masque qu'il portait en permanence se cachait un être fragile, et blessé par le mal qu'il avait provoqué.
Non, je ne le vois pas en meurtrier. Ça ne colle pas. Ça ne peut pas être lui.
L'aiderais-je, après tout ce qu'il m'a fait ? Mes sentiments envers lui sont contradictoires. J'ai envie de lui flanquer mon poing dans la gueule pour m'avoir refilé le sida, et en même temps, j'ai pitié de lui. C'est juste un pauvre type, comme il y en a tant.
Et question fuite de responsabilités, je n'ai aucune leçon à donner. Je me rends compte que si j'ai menti à François et à Jean, ce n'est pas seulement pour les protéger et protéger ma vie, mais aussi parce que j'ai peur d'affronter les conséquences que la vérité engendrerait.
Et si je n'ai rien dit à propos de mon sang à François, c'est pareil. Et j'ai trop honte de devoir avouer que j'ai merdé complètement et qu'à cause de moi, il...
Il serait peut-être temps de faire face à tout ça. Mais j'ai trop peur.
L'exemple de Bruno me démontre pourtant à quel point refuser de faire face aux réalités de la vie peut causer des souffrances à ceux qui nous entourent.
Je soupire, ne sachant que faire.
Mon téléphone sonne, et je retrouve le sourire car c'est la sonnerie que j'ai associé à Paul.
- Oui allô ?
- Je n'ai pas cours cet aprèm, je passe te voir ?
- Bien sûr, quelle question ! Je suis en train de rentrer, j'ai été faire quelques démarches, prends ton temps.
- D'accord. Bisous.
- Bisous.
C'est l'esprit un peu plus léger et d'un pas plus rapide que je termine le trajet jusqu'à chez moi. En sortant de l'ascenseur, je vois quelqu'un dans le couloir, examinant les portes. Je me fige sur place, car ce n'est pas Paul.
- Bruno ? Mais...
Les portes de l'ascenseur se referment dans mon dos avec un claquement métallique, me laissant seul avec lui.
- Jerem ! J'ai besoin d'aide, je ne savais pas à qui m'adresser... je sais que tu as toutes les raisons de me détester, mais... je ne sais plus quoi faire.
(1) Il s'agit bien de l'inspecteur aux méthodes peu orthodoxes qui a enquêté sur les révélations de Yann et Laurent au journal local. (cf Entre ombre et lumière). Il a été mis sur la touche pendant plusieurs années après cette affaire avant d'être muté sur Paris.
Ne rien laisser paraître. Tout faire pour ne pas voir étaler ma vie privée au grand jour. Tout en priant pour que Bruno n'ait laissé aucune trace.
Venu pour laisser mes empreintes, certain d'être disculpé en cas de problème - je suis resté en famille à plusieurs centaines de kilomètres de chez... mon ex, oui, on peut dire ça. Enfin, mon ami, officiellement.
C'était sans compter avec l'arrivée d'un gars particulièrement inquisiteur qui m'a emmené dans un local à part et a tenu à recueillir ma déposition.
- C'est totalement informel, voyez, aucun enregistrement et nous sommes seuls. Juste mon carnet et moi.
- C'est un peu curieux comme procédure, non ?
- Vous préféreriez le contraire ? Cela devrait vous soulager, plutôt, vous n'êtes accusé de rien, vous savez.
- Oui, c'est vrai. J'aurais eu bien du mal à... pfff... je n'arrive toujours pas à réaliser qu'il est mort.
- Ça prend du temps. Je suis l'inspecteur Peltier. (1)
Bon, dit-il en ouvrant un dossier, je disais que vous n'êtes accusé de rien... pour le moment, du moins. L'enquête suit son cours.
- J'étais chez ma mère ces derniers temps, ici, et lui à l'autre bout de la France.
- Certes. Je pense que mes collègues de Sochaux regardent plutôt du côté de ses relations locales. Vous lui connaissiez d'autres amis ?
- Non... on venait juste de sympathiser, au hasard d'une rencontre.
- Et comment est-ce que ça s'est passé ?
- J'étais en boîte...
- Laquelle ?
- Euh, j'ai vraiment pas retenu le nom. Je m'ennuyais en fait, et lui aussi. On a discuté un peu, on est sorti, on a été dans un café, on a discuté encore, découvert qu'on voulait faire le même métier, et on a fini par échanger nos numéros de téléphone.
- Et ensuite ?
- Bah c'est tout. On s'est revu le lendemain, il voulait me montrer son installation. Bon sang... c'était génial ce qu'il avait créé ! S'il avait eu le temps d'améliorer le système, il aurait pu déposer un brevet et faire fortune, tranquillement.
- Tiens donc, fait soudain l'inspecteur, intéressé. Parlez-moi un peu de ce système.
- Hum. Vous vous y connaissez en matériel informatique ?
- Faites simple.
- Ouille... bon, imaginez...
Une bonne demi-heure plus tard, je souffle enfin. Peltier a noirci des pages de son carnet. On frappe, il se lève et va discuter avec un collègue, à la porte. Il en revient avec une photo, qu'il me montre.
- Ça vient d'arriver. C'est bien lui, n'est-ce pas ?
- Mais... non, pas du tout ! Fais-je, sidéré.
- Vous en êtes certain ?
- Oui, plus que ça même ! Il ne lui ressemble même pas !
La stupeur m'a permis d'amortir le choc d'avoir la photo d'un mort apparaître ainsi sous mes yeux, sans préparation. Ce n'est toutefois pas une expérience agréable. Malgré tout, je ressens un certain... soulagement.
- Mes collègues viennent de chuter dans mon estime, s'ils ne se sont pas encore aperçus de ça. Je ne regrette pas de vous avoir convoqué. Merci pour ces informations.
- De rien, je suis à votre disposition si vous avez encore des questions, dis-je mécaniquement, encore sous le choc de la nouvelle.
Je retourne à la maison, encore assez déboussolé. Si ce n'est pas Bruno qui est mort, alors... maintenant, il va devenir le suspect numéro un dans cette histoire. Est-ce lui qui a tué ce type ? Quand je pense à ce que j'ai vécu avec lui...
Sa récente lettre m'a fait découvrir une facette de lui que j'ignorais. Derrière le masque qu'il portait en permanence se cachait un être fragile, et blessé par le mal qu'il avait provoqué.
Non, je ne le vois pas en meurtrier. Ça ne colle pas. Ça ne peut pas être lui.
L'aiderais-je, après tout ce qu'il m'a fait ? Mes sentiments envers lui sont contradictoires. J'ai envie de lui flanquer mon poing dans la gueule pour m'avoir refilé le sida, et en même temps, j'ai pitié de lui. C'est juste un pauvre type, comme il y en a tant.
Et question fuite de responsabilités, je n'ai aucune leçon à donner. Je me rends compte que si j'ai menti à François et à Jean, ce n'est pas seulement pour les protéger et protéger ma vie, mais aussi parce que j'ai peur d'affronter les conséquences que la vérité engendrerait.
Et si je n'ai rien dit à propos de mon sang à François, c'est pareil. Et j'ai trop honte de devoir avouer que j'ai merdé complètement et qu'à cause de moi, il...
Il serait peut-être temps de faire face à tout ça. Mais j'ai trop peur.
L'exemple de Bruno me démontre pourtant à quel point refuser de faire face aux réalités de la vie peut causer des souffrances à ceux qui nous entourent.
Je soupire, ne sachant que faire.
Mon téléphone sonne, et je retrouve le sourire car c'est la sonnerie que j'ai associé à Paul.
- Oui allô ?
- Je n'ai pas cours cet aprèm, je passe te voir ?
- Bien sûr, quelle question ! Je suis en train de rentrer, j'ai été faire quelques démarches, prends ton temps.
- D'accord. Bisous.
- Bisous.
C'est l'esprit un peu plus léger et d'un pas plus rapide que je termine le trajet jusqu'à chez moi. En sortant de l'ascenseur, je vois quelqu'un dans le couloir, examinant les portes. Je me fige sur place, car ce n'est pas Paul.
- Bruno ? Mais...
Les portes de l'ascenseur se referment dans mon dos avec un claquement métallique, me laissant seul avec lui.
- Jerem ! J'ai besoin d'aide, je ne savais pas à qui m'adresser... je sais que tu as toutes les raisons de me détester, mais... je ne sais plus quoi faire.
(1) Il s'agit bien de l'inspecteur aux méthodes peu orthodoxes qui a enquêté sur les révélations de Yann et Laurent au journal local. (cf Entre ombre et lumière). Il a été mis sur la touche pendant plusieurs années après cette affaire avant d'être muté sur Paris.
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