CHAPITRE LX
''Ecclesia abhorret sanguinem''
A peu près à la même époque que Carlus Magnus et sa conquête d'Utopia, sur l'île de Vaticana, deux frères, Romul et Rém Huss, créèrent une grande cité qu'ils appelèrent Rom. Ils créèrent une armée. Les soldats, qu'ils appelèrent ''légionnaires'', étaient entraînés pour pouvoir se battre en ordre et efficacement.
Les légions romaines commencèrent à se répandre sur tout l'île et, en quelques décennies, tout Vaticana fut dominé par Rom. Les dirigeants prirent le nom d'Empereur.
Même si beaucoup d'hommes et de femmes devinrent des esclaves, Rom laissait les peuples conquis pratiquer leurs cultes et vivre selon leurs us et coutumes.
Au milieu d'un peuple hérétique, qui croyait à un Dieu unique omnipotent et omniscient, naquit un homme, Yeshoua.
Il se présentait, excusez du peu, comme le fils du Dieu unique de son peuple. Les autorités romaines ne s'inquiétèrent pas de cela. Ce n'était ni le premier ni le dernier à se prendre pour un homme unique. Mais Yeshoua commença à être réputé faire des miracles, changer l'eau en picrate, guérir les malades, marcher sur l'eau et même ressusciter les morts. Et il commença à avoir de nombreux adeptes.
Craignant les tumultes que les adeptes de ce Yeshoua pourraient créer, à une époque où l'empire commençait à subir des révoltes dans certaines provinces, l'homme fut arrêté et condamné à mort. Il fut conduit en haut d'une colline et, comme c'était la coutume pour les condamnés de droit commun, on l'empala.
Ponçus Pilatus, gouverneur de la province où Yeshoua avait répandu sa foi, pensait en être enfin débarrassé, mais, trois jours plus tard, des fidèles de ''l'Empalé'' prétendirent qu'il était ressuscité d'entre les morts et monté au ciel avant de revenir à la fin des temps, pour juger les Hommes.
Douze de ses principaux adeptes commencèrent à sillonner tout Vaticana pour répandre la parole de ''l'Empalé''.
Au début, les autorités romaines laissèrent faire. Après tout, toutes les religions avaient droit de citer au sein de l'empire. Mais les adeptes de Yeshoua prétendaient que seule leur foi était la vraie et commencèrent à molester et agresser les adeptes ou les prêtres des autres religions.
On en arrêta des centaines, on les condamna à des morts atroces, mais rien n'y faisait, la religion de ''l'Empalé'' se répandit dans tout l'Empire comme la pesuto (1).
Après plusieurs décennies, le nouvel empereur, Constant, se rendit compte que la plus grande partie de la noblesse et de l'administration était acquise à cette nouvelle foi.
Constant n'était pas un homme pieux, mais il était intelligent. Il prit donc une décision politique. Il rassembla à Nisse'Hée, grande ville de l'empire, untous les prêcheurs de la religion de ''l'Empalé''.
Il y avait un grand problème, la puissante armée romaine révérait, quant à elle, un certain Myt'Ra. Ce dieu était censé être le fils d'un dieu, naît d'une vierge, sous un arbre et capable de miracles.
On décida donc que Yeshoua était lui aussi fils de Dieu, naît d'une femme vierge dans une étable. Parmi les différents écrits sur Yeshoua, on en choisit quatre qui permettaient d'asseoir la religion, en reléguant au rang d'apocryphes ceux qui pourrait remettre en question l'hégémonie de la nouvelle église.
Constant interdit alors toutes les religions hors celle de ''l'Empalé'', les temples des autres dieux furent détruits ou transformés en lieu de culte de la nouvelle église.
Constant mourut et les grands prêtres de la religion de ''l'Empalé'' exhibèrent une certaine ''Donation de Constant'', qui était certainement un faux, où l'empereur défunt donnait une grande quantité de territoires à la nouvelle église et à son chef, appelé ''Pope''.
Et les nouveaux détenteurs de la ''Vraie Foi'', passèrent, comme c'est souvent le cas, de victimes à bourreaux.
Tous ceux qui se réclamaient d'une autre religion furent combattus et tués, tous ceux qui déviaient d'un iota de la parole divine, c'est à dire celle du livre sacré appelé ''Bible'', étaient taxés d'hérétiques, un tribunal spécial appelé ''Inquisition'' fut créé, chargé de repérer toute forme d'hérésie, et de remettre dans le droit chemin ces brebis égarées, par la torture et la menace du bûcher.
Toutes découvertes scientifiques contraires à ce qui était inscrit dans la Bible était signe d'hérésie. Ainsi les habitants de Vaticana pensait que Genesia était plate et que c'était le soleil qui tournait autour d'elle.
La nouvelle religion essaya d'essaimer. Des prédicateurs arrivèrent sur les autres îles de Genesia. D'abord bien accueillis, la liberté de conscience et de culte étant totale partout, la situation s'envenima rapidement. Des temples des autres dieux furent vandalisés ou incendiés, des grands prêtres furent attaqués et même tués. Et ce, dans toutes les îles de Genesia. On réussit à arrêter un de ces meurtriers et il avoua que c'était le prédicateur de ''l'Empalé'' qui avait dit à ses ouailles qu'il plaisait à Dieu qu'on tue tous les hérétiques.
Les prédicateurs furent arrêtés et condamnés à mort pour incitation au meurtre et la religion de ''l'Empalé'' interdite.
Un homme, au large de Arkina, fut repêché alors qu'il dérivait sur un radeau de fortune. On le ramena au port et, une fois remis, il raconta son histoire. Son bateau de commerce avait sombré suite à une tempête et lui et plusieurs de ses camarades avaient réussis à gagner le rivage à la nage. A peine avaient-ils trouver refuge dans une ferme du littoral qu'une troupe les arrêta. Ils furent amener dans une pièce où ils furent torturés jusqu'à ce qu'ils abjurent leur foi et embrasse la religion de ''l'Empalé''. Ce qu'ils firent tous. Vendus ensuite comme esclave, il découvrit que tous les hommes en provenance d'une autre île et qui arrivaient à Vaticana subissaient le même sort.
Vaticana devint donc une île maudite et plus aucun navire ne s'y rendait. Et tous les navires en provenance de cette île étaient chassés ou coulés.
Le naufragé révéla aussi que, même si la religion de Vaticana professait la foi en un Dieu unique, les adeptes de Yeshoua s'étaient créés une foule de petits dieux, appelés ''saints''. On les priait pour guérir d'une maladie ou retrouver les choses perdue, etc... Mais, le plus invraisemblable, c'était que, pour une maladie comme la pesuto, par exemple, il y avait vingt trois saints que l'on pouvait prier. Non, pas qu'on pouvait, mais qu'on devait. Les vingt trois. Car, si on en oubliait un, celui-ci pourrait se courroucer et répandre de nouveau la maladie.
Le plus révéré de ces petits dieux était une ''déesse'' la Mater Puerum. Elle était la mère de Yeshoua, appelée Myra. Tous les Vaticaniens se devaient d'avoir une statue de cette femme la représentant tenant son enfant, le seul fait de ne pas en avoir les rendant suspects et risquait de les envoyer devant le tribunal de l'Inquisition.
Le fait qu'un homme ait osé vendre cette idole était quasiment improbable. Et donnait à cette statue de bois peint une valeur inestimable.
(1) Pesuto : maladie virale, contagieuse, endémique, épidémique et mortelle, transmise à l'homme le plus souvent par le rat. Très semblable à la peste.