Sujet collectif :à chacun son histoire !!! (OS-TOUS GENRES-TOUS STYLES)

[fablelionsilencieux]

Une seconde jambe dans le plâtre



Si l’année et demie de pandémie covid nous a surtout emmerdés, il y a eu de bons moments, comme ces vidéos d’Américains en surpoids qui se battaient pour du PQ dans les Walmart. Qu’est-ce qu’on s’en est moqué, les imaginant regarder fièrement un stock qui leur durerait deux générations.

Mais là, assis sur le pot, tenant en main le dernier feuillet de mon dernier rouleau, comme la cigale, je me trouve bien dépourvu…
Si je n’avais pas la jambe droite dans ce foutu plâtre, je courrais chez Apu, le Paki du coin. Sauf que j’en aurais pour un quart d’heure à sautiller avec mes béquilles… Puis surtout qu’il a fermé une semaine pour le mariage de son frère à Karachi, faaaich’ !

C’est là que la pandémie et ses à-côtés plus ou moins cools m’a pété à l’esprit ! Mais oui, bien sûr, le groupe Messenger de l’immeuble qu’on avait créé à l’époque, pour s’entraider ! Enfin, ça, c’est si tout le monde ne l’a pas quitté, depuis plus d’un an qu’aucune notification n’y est apparue… Hopopop !
[Chers voisins, l’un.e de vous me dépannerait-il/elle un rouleau de PQ, 4 épaisseurs, couleur pastel, parfumé de préférence ? À défaut, du basique 2 épaisseurs de chez Aldi ferait l’affaire, merci – Joachim, appt 4A]
Voili-voilou, maintenant, attendre.

Malgré ce que j’imaginais de la part de voisins auxquels je regrettais un peu de n’avoir jamais accordé qu’un grognement ou un signe de tête, ça n’a pas trainé, à peine m’étais-je effondré sur mon canapé que…
Ploiiiing ! Messenger…
Thorgal [Devant ta porte]
Le temps que j’empoigne mes béquilles et que je sautille jusque-là, je l’ai ouverte sur le couloir désert, mais il était là, au sol, le Graal ! Désespérément blanc, mais au toucher… Oooh !
J’ai saisi mon portable et ai fiévreusement tapé [Merci, mon sauveur !] … attendant une réponse qui n’est jamais venue.
Mais c’est qui, ce mec élusif ? me suis-je demandé, en pressant du doigt sur son avatar, le personnage de la BD, puis accéder à son profil… vide.
J’ai passé dix minutes à me refaire en tête les mecs de l’immeuble qui pouvaient vaguement ressembler à un Viking à la barbe d’une semaine, sans rien trouver.
Bah, tant pis, t’façon, les grands bruns poilus, c’est pas mon trip, me suis-je consolé, avant de repartir sur mon idéal récurrent, son inverse absolu, fin, lisse et clair…
 
Le lendemain, alors que les cloches de St Clément appelait à la messe, j’ai placé le rouleau de survie dans le support, sans ne plus trop penser au généreux donateur, pour réaliser, en en arrachant deux feuillets, que le suivant, au lieu de tomber à la verticale, formait une courbe étrange. Je l’ai soulevé, pour trouver un post-it marqué ‘’instagram.com/thorgal-pas-trop-thorgal’’
What the fuck ?... Euh… je veux dire… Oh ! Intriguant.
Non, mais c’est juste que les sous-bocks avec juste un 06 ou un identifiant Grindr qu’on a pu me filer, sans dire que c’est très fréquent… puis que je m’emballe un peu trop vite, c’est pas faux. Mais un insta, c’est nouveau.
Après, c’est le mystérieux Thorgal, je lui dois bien un passage poli sur son feed. Et là…
 
À sa première image, il me met une larme à l’œil, lui ! Un bouvier bernois assis, une patte sur le volant et l’autre sur le rebord de portière d’une Clio jaune, que j’ai déjà vue parquée au sous-sol, sans jamais en croiser le propriétaire… Suit une série de photos d’une campagne qu’il regrette peut-être d’avoir quittée, où il apparait parfois, avec ou sans son chien, de loin, silhouette mince, cheveux blonds, lunettes rondes, l’air gêné de trop s’exposer…
Je suis remonté au premier cliché - deux likes, pas encore de commentaire - pour y poser le mien [La mienne s’appelait Krys, elle est partie il y a 2 ans]
Ploiiiing ! Messenger…
Thorgal [Je suis désolé]
Bon, je réponds quoi à ça, moi ?
 
Le temps de trouver une réponse un minimum intelligente, deux coups à ma porte…
- J’arrive ! Une minute…
J’ai clopiné, pour l’ouvrir sur un elfe blond à lunettes qui me montre l’écran de son portable.
- Le nôtre s’appelle Napoléon III… notre troisième bouvier, mes parents ont des goûts bizarres pour les prénoms. Il est resté chez eux, ils ont un jardin… Je vais le voir tout à l’heure, comme tous les dimanches, si ça te tente d’y passer, un jour…’’
J’ai baissé le regard sur mon plâtre, avant de le remonter sur le sien ‘’Dans un premier temps, à moins de taper l’inscruste dans ta Clio jaune…’’
- Ah, je vois. Et aussi, oui, elle est un peu ridicule, je sais…
- Non, mais elle est cool, j’adore ta voiture… et ton chien !
Puis aussi ton prénom, et peut-être plus encore, pensé-je, mais je vais essayer de ne pas précipiter les choses, cette fois.