14-02-2023, 10:26 AM
Saint Valentin était de fort méchante humeur en ce 15 février, il avait passé une très mauvaise fête la veille, sa fête. D’habitude, il parcourait le bas monde pour mater les nouveaux amoureux qui partageaient leur couche et leur sperme pour la première fois en se déniaisant maladroitement — c’était touchant — mais, cette année-là, Cupidon avait chopé la covid et était en isolement. Le saint avait donc dû faire le travail à sa place, bander son arc au lieu de sa queue et décocher des millions de flèches, il n’avait pas eu le temps d’apprécier les résultats.
Il ne lui en restait qu’une dans le carquois, et s’il la gardait pour lui ? Pour se trouver un amoureux. Saint Valentin avait bien essayé de se lier avec le Père Noël, rencontré sur un site géré par Saint Isidore. Il avait pensé que ça marcherait puisque les deux ne travaillaient qu’un jour par année, mais il s’était gelé les couilles à Rovaniemi et ce n’était pas le vieil homme qui les avait réchauffées, il s’était avéré qu’il préférait la Mère Noël. Encore un bogue du système, vivement qu’Isidore soit viré et remplacé par Saint Steve dont le procès en béatification traînait en longueur, pourtant il en avait fait des miracles en dotant tous les mortels d’un doudou numérique.
Saint Valentin errait dans les allées du Paradis lorsqu’il croisa un saint inconnu qui paraissait perdu — on le reconnaissait à son auréole —, il lui demanda comment il pourrait l’aider.
— Oui, je suis perdu, dit Saint Sébastien, car c’était de lui qu’il s’agissait, je devais me rendre à Saint-Ambroise mais, à cause d’un mouvement social, le métro s’est arrêté à Saint-Augustin jusqu’à la Saint-Glinglin, je suis sorti de la station et je ne connais pas le nuage.
— C’est gênant, je vous invite à prendre un verre au Dernier Restaurant avant la fin du Monde, le patron est Saint Urbain.
Ils commandèrent une bouteille de saint-joseph blanc et des coquilles Saint-Jacques.
— Nous ne nous sommes pas présentés, je suis Saint Valentin, patron des amoureux, Valentin de Griselles lors de ma vie terrestre, chaste prêtre qui n’a pas connu l’amour, selon la version officielle.
— Et moi je suis Saint Sébastien, patron des archers.
Ils trinquèrent et décidèrent de se tutoyer.
— Tu ne serais pas le saint qui a été martyrisé avec des flèches ? demanda Valentin.
— Oui, c’est bien moi, mais ce n’était pas gai.
— Avec « i » ou « y » ?
— Que veux-tu dire ?
— Tu écris « gai » avec un « i » ou un « y » à la fin ?
— Avec « i », je voulais dire que ce n’était pas drôle.
— Tu es pourtant devenu une icône gay.
— Ouais, ça ne me dérange pas, je n’ai rien contre les 2ELGBTQQIA+, mais j’ai dû revivre mon martyre d’innombrables fois car j’ai dû poser pour tous les artistes gays qui n’osaient pas l’assumer et qui prenaient des sujets religieux pour outrepasser la censure.
— Je compatis à ta douleur, dit Valentin, ces flèches te faisaient-elles vraiment mal ? Celles de Cupidon éveillent les sens mais ne blessent pas.
— Ce n’était pas les flèches, j’étais excité d’être toujours nu, ou presque, et j’avais peur de bander. Ce n’eût pas été très convenable qu’un saint bandât.
— Saint Banda ? Je ne le connais pas.
— C’est un subjonctif imparfait.
— Excuse-moi, le nectar de Saint Vincent me grise.
Ils commandèrent une seconde bouteille, du rouge, et des saint-honorés.
— Tu me montres quelques-uns de tes martyrs ? demanda Valentin.
Sébastien sortit son téléphone, maugréa car Saint Gabriel n’avait pas encore activé la 5G, et afficha une première peinture.
— Regarde celle-ci, j’ai l’air ridicule, c’est un artiste dont j’ai oublié le nom, ce devait être en 1493 ou 1494, elle est au musée Wallraf-Richartz à Cologne.
— Tu as une grosse braguette !
— Je n’ai pourtant pas montré ma queue à ce peintre, mais observe plutôt ma tête, on dirait celle d’une femme, et je ne m’étais pas rasé sous les aisselles.
— Tu m’as dit que tu n’avais rien contre les LGBT etc.
— J’ai quand même ma virile fierté. Une autre, Annibale Carraci, vers 1590. Il avait voulu que je fusse à poil, mais il n’a même pas peint ma bite, cachée sous une plume minuscule et avec une flèche qui l’a juste ratée. Elle est quand même plus grosse que ça.
— Il doit bien en avoir où l’on voit ton membre viril, de nos jours il n’y a plus de censure.
— Bon, il y a Keith Haring, mais je n’aime pas l’abstraction ; Jean Martin, mais je ne suis pas circoncis ; Alfred Courmes, il a cependant préféré l’autoportrait. Tu iras les voir et d’autres sur le blog « L’Art c’est Nous ».
Ils discutèrent de choses et d’autres, du beau temps et du beau temps, car il faisait toujours beau au Paradis. L’alcool ayant désinhibé Saint Valentin, celui-ci finit par demander à Saint Sébastien :
— Tu ne pourrais pas revivre ton martyr rien que pour moi ?
— Encore ?
— Ce sera court, je ne prendrai qu’une seule photo avec mon téléphone.
— D’accord, je n’ai de toute façon aucun autre projet existentiel, c’est long l’éternité.
— À qui le dis-tu.
Après avoir vidé la seconde bouteille et passé aux toilettes où ils se matèrent leurs queues, ils se rendirent au jardin de Saint Fiacre en fiacre puisque le métro était toujours en grève.
Sébastien se dénuda entièrement, il bandait dur. Valentin l’attacha à un arbre, recula de cinq pas, sortit la dernière flèche du carquois et visa la sainte bite. La flèche l’atteignit, la transperça sans la blesser. Effet collatéral, Valentin jouit et propulsa son sperme vers le ciel, enfin, pas vers le ciel, puisqu’ils y étaient déjà.
— Ce n’est pas convenable pour un saint de gaspiller sa semence, fit Valentin.
— C’est toi qui l’as voulu.
À ce moment-là, Cupidon arriva, l’air contrit.
— Tu n’as pas mis de masque ? s’étonna Valentin.
— Non, je ne suis pas malade. Mea maxima culpa, je t’ai menti, j’avais un rencard pour ta fête, un petit diner en amoureux, et j’ai cherché une excuse.
— C’était avec qui ?
— Avec Psyché.
— Une femme ? Je croyais que tu étais homosexuel, on est dans un récit gay jusqu’à preuve du contraire.
— Oui, mais c’est une femme trans non-binaire, bispirituelle et queer, le concept n’existait pas encore dans la mythologie. Bref, elle a un pénis fonctionnel, c’est l’essentiel.
— Je te pardonne, c’est la moindre des choses pour un saint. Et tu m’as fait découvrir l’amour avec ta dernière flèche, n’est-ce pas, mon Sébastinou chéri ?
Il détacha son nouvel ami, ils s’embrassèrent fougueusement. Cupidon sourit, reprit le carquois, l’arc et la flèche, puis s’en alla prendre le métro pour rejoindre Psyché. La grève était terminée, l’âge de la retraite ne serait pas relevé de 62’000’000 ans à 64’000’000 ans, 20’000’000 d’années sont toujours bonnes à prendre, même si l’on a l’éternité devant soi.
Saint Valentin et Saint Sébastien se marièrent, vécurent éternellement heureux et eurent beaucoup d’angelot·e·s.
NDA Le blog mentionné se trouve ici : http://artisus.canalblog.com (articles du 3, 12 et 24 janvier 2023)
Que veut dire LGBT ? LGBTQ+ ? Et LGBTQQIP2SAA ? - Drapeau-LGBT
Il ne lui en restait qu’une dans le carquois, et s’il la gardait pour lui ? Pour se trouver un amoureux. Saint Valentin avait bien essayé de se lier avec le Père Noël, rencontré sur un site géré par Saint Isidore. Il avait pensé que ça marcherait puisque les deux ne travaillaient qu’un jour par année, mais il s’était gelé les couilles à Rovaniemi et ce n’était pas le vieil homme qui les avait réchauffées, il s’était avéré qu’il préférait la Mère Noël. Encore un bogue du système, vivement qu’Isidore soit viré et remplacé par Saint Steve dont le procès en béatification traînait en longueur, pourtant il en avait fait des miracles en dotant tous les mortels d’un doudou numérique.
Saint Valentin errait dans les allées du Paradis lorsqu’il croisa un saint inconnu qui paraissait perdu — on le reconnaissait à son auréole —, il lui demanda comment il pourrait l’aider.
— Oui, je suis perdu, dit Saint Sébastien, car c’était de lui qu’il s’agissait, je devais me rendre à Saint-Ambroise mais, à cause d’un mouvement social, le métro s’est arrêté à Saint-Augustin jusqu’à la Saint-Glinglin, je suis sorti de la station et je ne connais pas le nuage.
— C’est gênant, je vous invite à prendre un verre au Dernier Restaurant avant la fin du Monde, le patron est Saint Urbain.
Ils commandèrent une bouteille de saint-joseph blanc et des coquilles Saint-Jacques.
— Nous ne nous sommes pas présentés, je suis Saint Valentin, patron des amoureux, Valentin de Griselles lors de ma vie terrestre, chaste prêtre qui n’a pas connu l’amour, selon la version officielle.
— Et moi je suis Saint Sébastien, patron des archers.
Ils trinquèrent et décidèrent de se tutoyer.
— Tu ne serais pas le saint qui a été martyrisé avec des flèches ? demanda Valentin.
— Oui, c’est bien moi, mais ce n’était pas gai.
— Avec « i » ou « y » ?
— Que veux-tu dire ?
— Tu écris « gai » avec un « i » ou un « y » à la fin ?
— Avec « i », je voulais dire que ce n’était pas drôle.
— Tu es pourtant devenu une icône gay.
— Ouais, ça ne me dérange pas, je n’ai rien contre les 2ELGBTQQIA+, mais j’ai dû revivre mon martyre d’innombrables fois car j’ai dû poser pour tous les artistes gays qui n’osaient pas l’assumer et qui prenaient des sujets religieux pour outrepasser la censure.
— Je compatis à ta douleur, dit Valentin, ces flèches te faisaient-elles vraiment mal ? Celles de Cupidon éveillent les sens mais ne blessent pas.
— Ce n’était pas les flèches, j’étais excité d’être toujours nu, ou presque, et j’avais peur de bander. Ce n’eût pas été très convenable qu’un saint bandât.
— Saint Banda ? Je ne le connais pas.
— C’est un subjonctif imparfait.
— Excuse-moi, le nectar de Saint Vincent me grise.
Ils commandèrent une seconde bouteille, du rouge, et des saint-honorés.
— Tu me montres quelques-uns de tes martyrs ? demanda Valentin.
Sébastien sortit son téléphone, maugréa car Saint Gabriel n’avait pas encore activé la 5G, et afficha une première peinture.
— Regarde celle-ci, j’ai l’air ridicule, c’est un artiste dont j’ai oublié le nom, ce devait être en 1493 ou 1494, elle est au musée Wallraf-Richartz à Cologne.
— Tu as une grosse braguette !
— Je n’ai pourtant pas montré ma queue à ce peintre, mais observe plutôt ma tête, on dirait celle d’une femme, et je ne m’étais pas rasé sous les aisselles.
— Tu m’as dit que tu n’avais rien contre les LGBT etc.
— J’ai quand même ma virile fierté. Une autre, Annibale Carraci, vers 1590. Il avait voulu que je fusse à poil, mais il n’a même pas peint ma bite, cachée sous une plume minuscule et avec une flèche qui l’a juste ratée. Elle est quand même plus grosse que ça.
— Il doit bien en avoir où l’on voit ton membre viril, de nos jours il n’y a plus de censure.
— Bon, il y a Keith Haring, mais je n’aime pas l’abstraction ; Jean Martin, mais je ne suis pas circoncis ; Alfred Courmes, il a cependant préféré l’autoportrait. Tu iras les voir et d’autres sur le blog « L’Art c’est Nous ».
Ils discutèrent de choses et d’autres, du beau temps et du beau temps, car il faisait toujours beau au Paradis. L’alcool ayant désinhibé Saint Valentin, celui-ci finit par demander à Saint Sébastien :
— Tu ne pourrais pas revivre ton martyr rien que pour moi ?
— Encore ?
— Ce sera court, je ne prendrai qu’une seule photo avec mon téléphone.
— D’accord, je n’ai de toute façon aucun autre projet existentiel, c’est long l’éternité.
— À qui le dis-tu.
Après avoir vidé la seconde bouteille et passé aux toilettes où ils se matèrent leurs queues, ils se rendirent au jardin de Saint Fiacre en fiacre puisque le métro était toujours en grève.
Sébastien se dénuda entièrement, il bandait dur. Valentin l’attacha à un arbre, recula de cinq pas, sortit la dernière flèche du carquois et visa la sainte bite. La flèche l’atteignit, la transperça sans la blesser. Effet collatéral, Valentin jouit et propulsa son sperme vers le ciel, enfin, pas vers le ciel, puisqu’ils y étaient déjà.
— Ce n’est pas convenable pour un saint de gaspiller sa semence, fit Valentin.
— C’est toi qui l’as voulu.
À ce moment-là, Cupidon arriva, l’air contrit.
— Tu n’as pas mis de masque ? s’étonna Valentin.
— Non, je ne suis pas malade. Mea maxima culpa, je t’ai menti, j’avais un rencard pour ta fête, un petit diner en amoureux, et j’ai cherché une excuse.
— C’était avec qui ?
— Avec Psyché.
— Une femme ? Je croyais que tu étais homosexuel, on est dans un récit gay jusqu’à preuve du contraire.
— Oui, mais c’est une femme trans non-binaire, bispirituelle et queer, le concept n’existait pas encore dans la mythologie. Bref, elle a un pénis fonctionnel, c’est l’essentiel.
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