09-08-2020, 04:58 PM
CHAPITRE LXXIII
''Crimen laesae majestatis''
la vie de Burydan devint monotone. Il reprit ses habitudes, se payant de temps à autre l'un des cinq ou six petits minets qui tapinaient à Malienda. Il essayait de ne pas les baiser trop durement pour qu'ils ne refusent pas de remettre ça, mais aucun d'eux n'était aussi beau que Raven. La baise était pathétique, ne visant qu'à assouvir ses instincts animaux, et il se privait de ses moments préférés : les préliminaires langoureux qui faisaient brûler les corps de désir, et surtout les longues séances de caresses après l'orgasme, sauf avec un ou deux qu'il avait gardé un peu plus longtemps et qu'il n'avait pas déglingué comme une brute.
Il arriva à Hurlevent en milieu de matinée.
- Salutations à toi, Burydan de Malkchour, dit David, que nous rapportes-tu de beau aujourd'hui.
Burydan désigna l'homme sur le cheval de bât.
- Guillaume de Nogaret...
- Oh, tu l'as eu ?
- Pas sans mal...
- Le Duc va être ravi... mais vous, messire Nogaret, beaucoup moins... allez mon ami, suis moi avec ta prise, je t'amène au Duc...
- Quoi, dit Burydan, tu n'es plus capitaine des gardes de la porte ?
- Non, j'ai eu une promotion... Je suis capitaine de la garde prétorienne de Son Altesse...
- Félicitations...
- Merci...
Burydan fut introduit dans la salle du trône. Galbatorix y siégeait, entouré par ses courtisans et deux de ses concubines, à moitié nues, couchées à ses pieds.
- Soit le bienvenu Burydan de Malkchour. Je vois que tu as attrapé ce scélérat...
Guillaume de Nogaret, baron puissant, avait tenté d'empoisonner le Duc. Échouant et ne tuant que le goûteur de Galbatorix, il avait fuit et était recherché depuis plus d'un an. Burydan l'avait débusqué, grâce à l'un de ses informateurs et, le ramenant vif, il allait empocher les 15000 lunars de la prime.
Galbatorix s'approcha de Nogaret avec un rictus mauvais.
- Cela fait plus d'un an que je prépare les plus atroces tourments pour toi, chien... tes cris de douleur résonneront par toutes les rues d'Ank'Arat... Qu'on l'enferme et que le bourreau fourbisse ses instruments...
David claqua des doigts et deux gardes traînèrent Nogaret jusqu'aux geôles. Galbatorix se rassit, majestueux.
- Ainsi tu as de nouveau réussi, Burydan de Malkchour...
Burydan acquiesça mais ne pipa mot.
- Anselme, de combien était la prime pour ce traître ?
- 15000 lunars Votre Altesse.
- Diantre ! Que vas-tu faire de toutes ces pécunes ?
- Ne vous inquiétez pas, Duc, je saurai les employer à bon escient.
- Je n'en doute pas. Qui vas-tu traquer à présent ?
- Personne.
- Comment ça personne ?
- Je m'étais engager à travailler comme chasseur de prime pendant cinq ans...
- Et ?
- Et l'échéance est tombée il y a trois jours. Nogaret était donc le dernier prisonnier que je vous ramène.
- Tu... tu... démissionnes ?
- Oui.
Galbatorix se leva vivement, bousculant au passage ses deux concubines et renversant sa coupe de picrate sur l'une d'elle.
- Suis moi dans mon petit cabinet.
Le ton était sans réplique.
Galbatorix s'assit et claqua des doigts. Une jeune fille, nue sous une robe transparente, apporta un plateau garni d'un pichet et de deux verres.
- Laisse, Lana, je vais faire le service. Repose toi... ce soir, tu seras mon jouet, et je te veux en pleine forme...
La jeune fille pâlit et repartit en tremblant.
Galbatorix servit deux verres et en poussa un vers Burydan et le regarda intensément. Mais cette fois ci Burydan avala une gorgée sans crainte. Le Duc sourit.
- Tu me fais donc enfin confiance, Burydan ?
- Absolument pas. Mais je sais que si vous voulez me tuer, ce sera plutôt dans les arènes, face à la marabunta...
Le Duc éclata de rire.
- Cette histoire de démission, est-ce sérieux ?
- Oui.
- Tout de suite ?
- Oui.
- Tu sais que je pourrais t'en empêcher ?
- Comment ? Si vous me forcez à continuer à travailler pour vous, je ne le ferai pas. Et puis, pourquoi feriez-vous ça ? Des chasseurs de prime, il y en a d'autres...
- Oui mais... tu es... et de loin... le... le...
- Le ?
- Le meilleur...
Burydan rit doucement.
- Tu oses te moquer de moi ? éructa le Duc
- Nullement, nullement, je me disais juste que ces mots ont dû vous écorcher la bouche.
Galbatorix planta se yeux noirs dans les yeux gris.
- Je ne sais pourquoi je te permets ton impertinence... Pourquoi je ne t'ai pas envoyé aux arènes pour amuser le bon peuple...
- Parce que vous m'aimez bien, au fond.
Le Duc éclata de nouveau de rire. Et Burydan ne put s'empêcher de sourire.
- Bon, d'accord, admit-il le chasseur de prime, très très au fond. Je ne suis pas un de vos courtisans, flagorneur et obséquieux, ne pensant qu'à obtenir de vous titres, charges ou pécunes. Je fais mon travail sans rien attendre en retour, mise à part les primes pour les prisonniers que je vous remets. Et je ne demande rien d'autre, ça doit vous changer...
Galbatorix réfléchit.
- De quoi vas-tu vivre ?
- Je n'ai pas un train de vie aussi somptuaire que le vôtre. Je suis né dans la misère et je me contente de peu...
- D'où la très belle maison que tu t'es faite construire à Malienda.
Le réseau de renseignements du Duc était vraiment excellent.
- Qui n'est rien en comparaison de Hurlevent, dit Burydan. Et j'ai mis une jolie somme de côté qui me permettra de vivre pendant quelques temps.
- Et une fois cette somme épuisée ?
- Et bien je reviendrai peut-être me traîner a vos pieds pour vous supplier de me reprendre comme chasseur de prime...
- Te traîner à mes pieds ? Je pense que j'adorerais ça...
- Je pourrai même pleurnicher si vous le souhaitez...
Le Duc sourit. Ce n'était pas le sourire cruel ou suffisant qu'il arborait habituellement. C'était un sourire franc et... amical. Et Burydan se rendit compte que le Duc était vraiment un très bel homme. Il fut sorti de sa rêverie par la voix de Galbatorix :
- Que vas-tu faire ?
- Voyager. Je ne suis jamais sorti de Brittania et j'ai envie de connaître d'autres choses. Utopia et peut-être les autres îles de Genesia...
- Et te mesurer aux meilleurs épéistes comme Gershaw.
- Pourquoi pas ?
Galbatorix hocha la tête, prit une feuille de papier et y traça quelques lignes. Il la signa et y déposa son sceau.
- Tiens, dit-il, ça pourrait aider.
Burydan lu :
Moi, Galbatorix Ier, Duc de Brittania, recommande à mes chers frères, Rois d'Utopia et de tout Genesia le sieur Burydan de Malkchour, meilleur épéiste du monde connu.
Burydan plia la missive.
- Merci Duc.
- Bon vent, Burydan de Malkchour.
Et Burydan trouva qu'il avait l'air... sincère.
Il suivit Anselme dans son bureau et se retrouva, comme d'habitude, devant un verre d'hydromel.
- Ainsi tu nous quittes ?
- Eh oui...
- Tu vas me manquer...
- Je vais te manquer. Ou l'hydromel des abeilles tueuse va te manquer ?
- Un peu les deux, dit Anselme en riant.
Burydan tira une bouteille de sa besace
- Voilà la dernière avant longtemps, mon ami.
Anselme la prit avec révérence et la rangea précautionneusement dans son petit coffre.
- Et je ferai en sorte que l'ami qui me les vend t'en fasse livrer une bouteille de temps en temps.
- Burydan de Malkchour, la grand merci à toi.
Anselme lui compta ses 15000 lunars. Burydan lui rendit sa plaque de chasseur de prime, lui donna une forte brassée et retourna à Malienda.