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Une femme ordinaire (hétéro) - Terminé - Version imprimable

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Re : Re : Une femme ordinaire (hétéro) - jkf - 30-07-2020

(30-07-2020, 04:51 PM)navigateurs link a écrit :Bonjour, j'aime beaucoup le rythme du récit et la montée en puissance des sentiments.
Vivement la prochaine suite!
Merci pour ton message Navigateurs,
La suite dans la soirée.
A+
JKF


Re : Une femme ordinaire (hétéro) - jkf - 30-07-2020

CHAPITRE V – (Fin du chapitre)


La Croix-Rouge, c’est de l’autre côté du champ de course en revanche c’est bien indiqué.
Arrivé au poste, il faut montrer patte blanche.

- Je viens prendre des nouvelles d’Alice PARIS.
- Vous êtes de la famille ?

Je hoche la tête de haut en bas de peur de me faire refouler.
- Mettez votre masque et attendez ici, un médecin est en train de l’examiner.

Une jeune femme arrive elle aussi pour prendre des nouvelles. Elle se présente comme étant son coach et elle prend place sur une chaise proche de la mienne.
- Vous êtes ici pour Alice ?
- Oui, répondis-je sans trop vouloir me dévoiler.
- Une bien mauvaise chute. J’espère que tout ira bien pour elle. Le dispositif d’évacuation est impressionnant mais neuf fois sur dix ce n’est que des petits bobos.

Je veux écarter de mon esprit la fois sur dix où ça se passe mal. En termes de probabilité, c’est énorme. Ça fait neuf chances sur dix que ça se passe bien et des chutes, j’en ai déjà vu quelques-unes ce matin, sans dommage. La malchance, c’est pour moi. C’est sur moi qu’il faut qu’elle s’acharne. Ce n’est pas sur elle. Ce n’est pas pour elle. Ce serait vraiment trop injuste, trop absurde.

Du coup, j’étais inquiet et maintenant j’ai peur. J’ai peur pour Alice. Je l’ai vue tomber brutalement sur les barrières et celles-ci sont restées en place. Le choc a dû être important. J’espère moi aussi de tout cœur que ça ira.

Sur ces entrefaites, un médecin pénètre dans la pièce, se dirige vers l’accueil du poste de secours. Le secouriste fait un geste en notre direction.

Je me lève. Son coach aussi. Le médecin nous prend à part.

- C’est une mauvaise chute mais à priori, il n’y a pas d’incidence grave. Je n’ai pas détecté de fracture mais ça reste à confirmer. Le toucher sur ses pieds la fait réagir, c’est plutôt bon signe. Par sécurité, je vais la faire transférer sur l’hôpital pour qu’elle soit examinée plus en détail. Pour l’instant toute les ambulances sont occupées. Il faut attendre que l’une d’entre-elles revienne.

Puis s’adressant à son coach :
- Vous l’accompagnerez ?
- Ça va être compliqué docteur. C’est la deuxième évacuation ce matin et je dois absolument rester ici pour les autres.

Elle se tourne vers moi.
- C’est possible pour vous ?

Je n’hésite pas une seule seconde.
- Oui évidemment sans soucis. J’accompagnerai Alice dis-je d’un ton décidé.

Je me tourne vers le médecin.
- Je peux la voir ?
- Venez, elle est par ici.

Sous l’immense tente érigée en poste de secours pour la compétition, je découvre Alice allongée dans une coque rigide qui épouse son corps. On lui a placé une minerve autour du cou pour préserver les cervicales. Elle ne peut ni bouger la tête ni bouger le corps.  Elle est ficelée comme un saucisson. Seuls ses pieds dépassent. Une pince branchée sur son index relève son pouls pour me dit-on détecter toute hémorragie interne éventuelle. C’est super angoissant et même si le premier diagnostic du docteur se veut rassurant, je perçois bien que le danger n’est pas écarté pour autant.

Ses grands yeux noisette sont ouverts Ils me fixent avec une tristesse gigantesque.
- Tu es là ?
- Évidemment que je suis là. Qu’est-ce que tu crois ? Je n’allais tout de même pas t’abandonner.
- Et ... et mon cheval ? Il va … bien ?
- Après ta chute, il est parti au galop se réfugier dans un coin de la carrière et puis il est revenu près de toi. Rassure-toi, il n’a rien.
- Merci Pascal. Ils ne savaient pas me dire ici. J’étais très inquiète. Merci. Merci beaucoup.

Alice ferme les yeux quelques instants. Je lui prends la main, la seule qu’elle puisse encore déplacer. Je sens la douceur de sa peau contre la mienne. Elle me serre les doigts juste pour me dire de rester comme cela, de ne plus bouger, ma main dans la sienne.

Elle reprend
- En fin de parcours, la lanière d’un de mes étriers a lâché. J’ai été déséquilibrée mais j’ai réussi à passer deux obstacles sans problème. Le troisième, je me suis mal réceptionnée et je n’ai pas eu le temps de me préparer pour passer le suivant. Après je ne me souviens plus.

Elle continue
- J’ai froid Pascal. J’ai mal au dos, j’ai mal à la tête. J’ai mal partout. Je suis désolée de t’avoir entraîné dans pareille mésaventure. J’ai le sentiment de gâcher tout ce que je touche.
- Veux-tu te taire vilaine petite demoiselle. Tu ne gâches rien. Tu illumines tout et tu ne t’en rends même pas compte.

J’entends l’ambulance arriver.
- Je ne sais pas s’ils t’ont dit ? Tu vas être transférée à l’hôpital pour des examens complémentaires. Je vais t’accompagner. Je remplace ton coach qui doit rester ici pour la fin du concours.
- Mouaih...
- Mouaih quoi ?
- Tu t’es proposé ?
- Non, pas du tout Alice. On m’a forcé la main, et je n’ai même pas eu mon mot à dire. Enfin, pas beaucoup.
- Incorrigible. Tu es incorrigible mais je suis contente que tu sois là.

J’ai pris place dans l’ambulance de la Croix-Rouge, sur un petit strapontin pas très confortable. La sirène trace la route. Alice grimace à chaque cahot perceptible. Elle ne dit rien. Elle contient sa douleur. Elle me tient toujours la main. Parfois, une larme coule sur ses joues pour aller se perdre au fond du brancard. Je sors un mouchoir en papier de mon sac à dos et je les lui sèche à chaque apparition. Elle me remercie par d’imperceptibles pressions sur ma main.

L’arrivée aux Urgences est toujours un grand moment. Sirène hurlante, le véhicule s’arrête sur le parking, les portes s’ouvrent. C’est bruyant. Le brancard est extirpé automatiquement de l’ambulance. Alice est emmenée à l’intérieur.

Je suis le mouvement. On m’interpelle. Circonstances ? Je peux expliquer. Nom et prénom de la victime ? Je donne. Des papiers à remplir, date et lieu de naissance ? Carte vitale ? Mutuelle ? Ça se complique.
- Vous êtes de la famille oui ou non ?
- Euh... c’est-à-dire … que …

Je me vois indiquer la salle d’attente qui malgré la distanciation sociale est noire de monde. Pourtant, un chapiteau extérieur a été monté pour réceptionner ceux dont l’urgence apparente n’est pas visuellement convaincante.

Alice de sa seule main valide agrippe la veste blanche de l’infirmier.

- Alice ? c’est toi ? Mais qu’est-ce qui t’arrive ?
- Laisse le m’accompagner s’il te plaît.

Alice a été transférée sur un lit à roulettes libérant ainsi le brancard de la Croix-Rouge. L’univers des urgences est particulier. Les couloirs que nous empruntons sont parsemés de lits sur lesquels des personnes attendent. Certaines sont éveillées, d’autres semblent dormir. Il y a ici toute la souffrance du monde, des enfants, des femmes, des hommes, des vieillards. Ça geint, ça pleure, ça appelle, ça râle aussi. Je suis abasourdi.

Le lit d’Alice vient s’ajouter à une file déjà conséquente.

- On te trouve un petit coin tranquille et on revient te chercher chuchote l’un des infirmiers.

Traitement de faveur bien naturel pour une infirmière de la maison. Et, c’est dans le local des imprimantes que nous sommes conduits en attendant mieux. Je trouve un tabouret et je m’assois près d’Alice. Je la regarde.

- je n’avais pas remarqué que tu as des taches de rousseur.

Elle sourit faiblement
- Elles sont ridiculement petites mais elles te vont très bien.

Pas le temps de s’appesantir qu’une blouse blanche, probablement le médecin, me demande de sortir de la pièce et d’attendre dans le couloir.

Je me retrouve au milieu des patients alités mais à bonne distance. Les chambres sont surchargées elles aussi. Six, huit, dix par pièce. Les lits sont collés les uns aux autres, juste séparés pas un paravent amovible pour préserver au minimum l’intimité. Le personnel médical s’affaire, quelques aides-soignantes, deux ou trois infirmières et un ou deux médecins pour s’occuper de tout ce petit monde. C’est juste effarant.

L’heure tourne. Tout comme Alice, je n’ai pas déjeuné, je n’ai pas soupé. Je suis toujours en short et tee-shirt avec mon sac à dos à la main. Je trouve le temps long. Alice est passée en radiologie où ils n’ont rien décelé d’anormal. Et comme l’analyse d’urine révèle la présence de sang, il a fallu lui faire passer aussi une échographie. On attend les résultats. Elle s’est endormie. C’est long, très long, presque insupportable mais il faut prendre son mal en patience. Pas d’autre solution.

Une aide-soignante passe la tête. Elle est souriante, calme, détendue. La pression du métier n’a pas prise sur elle, c’est tout du moins l’apparence qu’elle donne.

- Les résultats de l’échographie sont bons. Le médecin va passer dans quelques instants. Vous allez pouvoir sortir me dit-elle.

Elle dépose au pied du lit un sac en plastique qui contient les affaires d’Alice. Et effectivement, trente minutes plus tard, le médecin confirme les dires de l’aide-soignante et délivre le bon de sortie. Entre temps Alice s’est réveillée. Elle se sent mieux. Elle a faim. Il est trois heures du matin. Je commande un taxi pour rentrer.

Alice est allongée sur son lit avec le drap tiré sur elle jusqu'au menton.

- Tu peux me passer mes vêtements ?

Je retire du sac son polo d’équitation qui porte les stigmates de sa chute et le lui tends.

- Tourne toi s’il te plaît.
- J’ai déjà vue une femme en soutien-gorge tu sais !
- Oui mais c’est juste que là, je n’en ai pas.

Je m’exécute un peu à regret il faut bien se l’avouer. En fouillant encore dans le sac je sors une petite culotte.

- Ben t’était toute nue là-dessous et tu ne m’as rien dit ?

Je lui tends sa petite culotte, un shorty blanc, émaillé de dentelle, en lui tournant le dos encore plus à regret évidemment.

- Je peux me retourner maintenant ?
- Interdiction dit-elle sur un ton péremptoire mais avec une pointe d’humour.

- Euh ... là, tu vas être surprise !

Je sors du sac son pantalon d’équitation et le tissu a été découpé aux ciseaux des pieds jusqu’au fessier. Je le lui tends.
- Effectivement, ce n’est pas cool.
- Bon je peux me retourner maintenant ? De toute façon je te verrai en p’tite culotte
- Que nenni. Je n’ai pas dit mon dernier mot.

Elle s’enroule dans le drap du lit.
- C’est bon. Tu peux.

Je me retourne. Je ne sais pas comment son sourire n’a pas réussi à dépasser ses oreilles tant il y avait de la malice dans son regard.

- Elle te plaît ma nouvelle robe ?
- Mouais, bon je fais quoi des chaussettes ?
- Cadeau dit-elle triomphante.

Le taxi nous attend sur le parking de l’hôpital. Alice est pieds nus le bas du corps enroulé dans le drap du lit. Ses bottes sont restées au poste de secours. Il est quatre heures du matin. La voiture à peine démarrée, elle pose sa tête sur mon épaule. Elle me prend la main et elle s’endort en toute confiance, comme un enfant.

Je suis fatigué moi aussi mais hors de question de me laisser emporter par le sommeil. Je veux profiter pleinement de cette petite tête toute chaude qui s’est blottie dans mon cou et de sa main qui a pris possession de la mienne si naturellement. Pour rien au monde, je me serais soustrait à ce plaisir incommensurable, cette douce sensation de sublimer le bonheur.

Trente minutes plus tard, le taxi s’arrête au centre équestre pour constater que les accès sont fermés. Direction l’appartement. Je récupérerai ma voiture plus tard.

Je réveille Alice comme à regret, conscient que mon épaule ne va pas tarder à me faire un scandale pour désertion volontaire des lieux.

- On est arrivé petite demoiselle lui chuchoté-je à l’oreille.

Elle lève la tête. Ses yeux tout ensommeillés me regardent ahuris.

- Déjà ?


- °° -



Re : Une femme ordinaire (hétéro) - jkf - 31-07-2020

CHAPITRE VI


Au petit matin, je me réveille et Camille, le sourire accroché aux lèvres comme à son accoutumée, me regarde d’un œil réprobateur.

- Avant hier tu étais en sauterie, hier tu t’es transformé en bon samaritain. Tu vas faire quoi aujourd’hui ?

Je lui tire la langue.

- Ça t’apprendra à vouloir me prendre au saut du lit sur le ton de la moralité.

- °° -

Après les frugalités matinales, je pars récupérer ma voiture. Aujourd’hui ce sera télétravail. Cela me permettra de me reposer de ma très courte nuit et surtout d’aller prendre des nouvelles d’Alice.

Nous étions rentrés aux environ de cinq heures du matin alors que le jour commençait à poindre. J’avais proposé à Alice de finir la nuit chez moi. Elle a préféré rentrer chez elle.

Je sonne à sa porte. Alice ouvre.

- Je ne te réveille pas ?
- Non, ça fait un petit moment déjà que je suis réveillée. Je t’ai entendu partir ce matin. Tu ne travailles pas aujourd’hui ?
- Si, mais en télétravail. Sans ma voiture c’est pas très pratique. Je suis allé la chercher tout à l’heure.
- Il faut que je récupère la mienne moi aussi. Tu pourrais m’y emmener. Je suis courbaturée de partout et j’ai des hématomes sur tout le corps, dans le dos, sur les fesses, les jambes.
- Montre moi ! lui dis-je en riant.
- Oui c’est cela... Tu sais être un véritable goujat quand tu veux.
- Bon d'accord. Tu voudrais y aller pour quelle heure ? J’ai une visioconférence de seize à dix-sept heures. Je suis disponible avant ou après.
- Maintenant, c’est possible pour toi ? Je voudrais aussi passer voir mon cheval. Je te présenterai si tu veux bien.
- D’accord, rendez-vous en bas dans cinq minutes alors.


J’aide Alice à prendre place dans ma voiture. Ce n’est pas évident car elle grimace à chaque mouvement.

- Ça va aller ?
- Oui, ça va Pascal.
- Tu es sûr que tu vas pouvoir conduire en rentrant ?
- Il faut que j’y aille. C’est important pour moi et ce quelle que soit la douleur que je peux ressentir. Tu conduiras doucement ?

Je suis un peu dubitatif. Mais j’ai devant moi un mur de volonté qu’on ne soupçonnerait jamais vu la fragilité physique apparente qu’elle donne. Je me disais bien qu’en sourdine, il y a du caractère.

Arrivée au centre équestre, Alice ouvre la barrière d’accès à l’aide de son badge ce qui nous permet de stationner au plus proche de notre destination.

- Viens me dit-elle. Je vais te présenter « Voie Lactée ».

A proximité du box, ça remue beaucoup. Des coups de sabots sont donnés nerveusement dans la porte, sur les murs. Et puis Alice appelle son cheval.  « Voie Lactée » passe la tête par les barreaux de la porte. Les retrouvailles sont émouvantes. La jument s’est calmée subitement. Elle se laisse caresser et embrasser sans difficulté. Je suis spectateur éberlué de cet épilogue heureux qui aurait pu être bien plus tragique.

- Tu vois ! c’était urgent que je vienne. « Voie Lactée », je te présente Pascal.

Alice m’invite à m’approcher, à toucher l’animal. Je devine une certaine méfiance dans les yeux de l’équidé mais il se laisse faire.

- Parle lui.
- Euh, tu me prends de court. Tu veux que je lui dise quoi ?
- Ce que tu veux, ce qui te passe par la tête.

Qu’est-ce qu’elle ne me fera pas faire. Bon ok, c’est pour la bonne cause alors je me lance.

- « Voie Lactée », tu es une jument magnifique. Avec Alice vous formez un duo adorable. Depuis que je connais Alice, elle a pris une place énorme dans mon cœur. J’ai appris à l’aimer. Je ne devrais pas avoir beaucoup de difficulté à arriver au même résultat avec toi.
- C’est une déclaration ?
- Woui Mademoiselle.

Le visage d’Alice est devenu rouge pourpre jusqu’aux oreilles. Elle me regarde. Je sens qu’elle hésite entre fuir et rester et si elle hésite... Je lui prends une main, puis l’autre. Elle se laisse faire. Je pose mon front sur le sien. Mes yeux sont dans ses yeux, son nez contre mon nez.

- Je peux ?

Une seconde passe, deux, une éternité. Ses pupilles sont surprenantes, toutes bouleversées. Elle pose furtivement ses lèvres sur les miennes et les retire presque aussitôt.

- Ça c’est pour aujourd’hui dit-elle avec un joli sourire.

Je comprends que je n’aurai rien d’autre mais c’est déjà une avancée spectaculaire.

- Vivement demain alors.
- Tu crois tout de même pas que ça va être comme ça tous les jours. Vilain garnement ?

Je souris, j’ai dans la tête tout un programme.

- A demain Alice.


- °° -




Re : Une femme ordinaire (hétéro) - jkf - 31-07-2020

CHAPITRE VI (Suite)


Le lendemain, je quitte un peu plus tard mon bureau, ce qui me permet de rattraper une partie du retard accumulé. Je passe à l’appartement, douche, change de vêtements et me voilà chez Alice.

- Je t’attendais, je t’ai entendu rentrer.
- Tu vas bien ?
- J’ai mal partout mais à part ça, on peut dire que ça va. Je suis en arrêt de travail jusqu’à vendredi.
- Avec autorisation de sortie ?
- Oui.
- Alors viens, je t’invite manger dehors. J’ai repéré quelque chose de sympa sur le front de mer. C’est à deux pas d’ici ?

La terrasse du restaurant a ceci de particulier qu’elle surplombe la plage directement. La communion avec la nature est directe, sans intermédiaire ; la plage de sable fin, la mer. J’aime la mer parce qu’elle ne ment jamais. Elle est calme, agitée, bienfaisante et dangereuse en même temps. Certains diront même sournoise. Pourtant elle prévient toujours. Il faut juste interpréter. On sait ou on ne sait pas et si on ne sait pas il est préférable de s’abstenir.

En toute galanterie, je laisse Alice choisir sa place en lui présentant la chaise sur laquelle elle va poser son joli fessier, celle qui donne une vue magnifique sur les éléments naturels. Et comme je n’aime pas être en reste, je chamboule la table pour me placer à côté d’elle. Elle s’amuse de mon petit déménagement avec un regard interrogateur.

- Tu ne m’avais pas dit en tête à tête ?
- J’ai envie d’être à côté de toi pour pouvoir partager beaucoup plus qu’un simple repas lui dis-je.
- Waouh ! Et c’est quoi beaucoup plus ?
- C’est simple. Je m’arrange pour voir ce que tu vois et j’essaye de transposer ce qui passe par tes yeux sur mes yeux, juste pour partager ce que tu ressens, savoir ce que tu aimes, à quoi tu penses. Et lorsque ton visage est resté trop longtemps en dehors de mon champ visuel, je n’ai plus qu’à me tourner vers toi pour m’assurer que tu es bien là et me dire que tout cela n’est pas un songe. Et si je ne suis pas entièrement convaincu, je peux encore poser mon bras sur tes épaules ou prendre ta main pour vérifier que tu existes bien. On essaye pour voir ?

- Romantique, très attentionné, tu es bien différent des autres hommes. J’aime beaucoup.
- Un bibi, juste là en lui montrant mes lèvres.

Derrière son humble sourire, je discerne comme une angoisse, un frein puissant qu’elle ne sait pas gérer.

Elle pose ses lèvres sur les miennes, nos langues se touchent timidement, j’apprécie ce contact subtile, suave d’une délicatesse hors norme.

- Humm ! Vous prendrez un apéritif ?

Je l’avais oublié celui-là.

- Un Whisky pour moi, sans glace.
- Et une Suze pour moi, avec un glaçon s’il vous plaît.

Les yeux d’Alice pétillent. Un véritable feu d’artifice, j’aime. Elle est délicieuse et adorable dans son naturel puéril.

- C’est surprenant Alice.
- Qu’y a-t’il de surprenant Pascal ?
- Avec toi, je redécouvre le plaisir d’aimer. C’était enfoui quelque part au plus profond de moi et voilà que tu arrives, et rien n’est plus pareil. C’est comme si je retombais en enfance, avec mes premières amourettes mais je ne savais pas ce que c’était qu’aimer.
- Je … pour moi, c’est pareil. Je ressens aussi quelque chose de très fort, un truc qui m’est tombé dessus sans crier gare et contre lequel je ne peux pas lutter … mais j’ai peur, peur de ne pas être tout à fait prête, peur aussi de ne pas être à la hauteur. Je suis bien avec toi, presque trop bien pour y croire. Je … je … Promets-moi d’être patient ?

Ses yeux sont plongés dans les miens. Ils trahissent une émotion intense qu'elle cherche à réfréner. Son corps s’est crispé légèrement. Elle est grave, sérieuse. J’ai déjà vu ce regard, ni timide ni provocateur, juste important. J’ignore de quoi il s’agit. Je sais simplement qu’il faudra attendre, mais attendre quoi ? Combien de temps ? Les questions me brûlent les lèvres mais je comprends que c’est trop tôt, que c’est elle qui donnera le tempo.

Je passe mon bras au-dessus de son épaule et je l’attire contre moi.

- C’est promis Alice et tu sais que je tiens mes promesses… Je t’aime.

Elle boit mes paroles. Elle se détend, elle sourit. Je la trouve belle, impétueuse dans sa fausse beauté juvénile.

- Merci Pascal. Je t’aime moi aussi.


- °° -




Re : Une femme ordinaire (hétéro) - jkf - 01-08-2020

CHAPITRE VI (Suite)


L'ombre est passée comme un nuage capricieux. Alice parle sans arrêt, se confie, interroge. Maintenant elle m’amuse et elle y prend plaisir. Je suis subjugué. Le restaurant est plein mais il n’y a que nous deux. Je l’écoute. On jacasse comme des enfants.

J’apprends qu’elle est propriétaire de son cheval, qu’il a une dizaine d’années ; un cadeau de ses parents pour ses vingt ans. Au centre équestre, elle n’a pas beaucoup d’amies. Les gens sont plutôt sophistiqués, trop à son goût. Ils se fréquentent entre eux sur des soirées mondaines et comme elle préfère le naturel, elle ne s’est pas réellement intégrée. Ça lui va très bien comme ça. Elle est plutôt proche de la nature. Ses parents sont agriculteurs et c’est sur leurs pâturages qu’elle a pu débourrer « Voie Lactée », savourer le plaisir de la monter dans les près, dans les chemins. Un vrai bonheur de se sentir libre en parfaite harmonie avec la nature. C’est une bouteille d’oxygène qu’elle n’hésite pas à utiliser pour se ressourcer au besoin.

- Tu as déjà monté ?
- Un cheval ? Non, jamais.
- Tu voudras essayer ?

La question est anodine mais je mesure toute la portée de ma réponse. Aux chevaux de pâturage, je préfère les chevaux de feu, plus facile à dompter. Et dans mon esprit, la réponse était si évidente que je ne sais même pas pourquoi j’ai répondu tout le contraire.

- Oui, si c’est toi qui me coaches.

Je sens Alice radieuse. A lire dans ses yeux, je devine qu’elle nous voit déjà galoper ensemble sur la plage. Je crains d’avoir mis le pied dans quelque chose que je ne maîtrise pas. Après, monter un cheval, n’a apparemment rien de bien compliqué. Il faut tirer sur les rennes à droite pour aller à droite, tirer à gauche pour aller à gauche et un coup de jambes pour le faire avancer. Tout cela semble à ma portée. Je suis un peu plus réservé sur le galop et la façon d’arrêter la bête, mais je veux rester résolument optimiste. De toute façon, je n’ai plus le choix.

Le repas s’achève et nous passons un moment l’un contre l’autre à contempler la mer. Le soleil nous a fait le somptueux cadeau de se coucher juste sous nos yeux et lorsqu’il a entièrement disparu, dans la pénombre qu’il a laissée, Alice a envahi mes lèvres dans un baiser d’une sensualité magnifique. C’est la première fois qu’elle prend l’initiative et ce baiser n’en est que plus somptueux.

Seul inconvénient, prévoir un temps d’attente suffisant avant de se lever. Ça coince ... quand je n’y suis pas préparé et évidemment ça se remarque.

- On y va ? me dit-elle.

Je prends le temps de ranger mes affaires... Les autres clients nous regardent d’un œil désobligeant ou envieux. C’est selon. La main d’Alice dans la mienne, comme deux amoureux puisque maintenant nous sommes amoureux, nous sortons.

- On se promène ?
- Un autre soir si tu veux bien. Je suis encore toute courbaturée.

Dans le couloir de notre immeuble, nos lèvres s’unissent une dernière fois avant de nous séparer. Debout devant elle, adossé au mur, J’enlace Alice pour la retenir encore un peu plus longtemps. Nos corps se frôlent mais ne se touchent pas. Mes mains glissent doucement dans son dos sur son chemisier et je perçois l’armature de son soutien-gorge. Alice s’est raidie. Elle me repousse doucement.

- Tu as promis !!!
- Excuse-moi Alice. Vraiment désolé.

J’essaye de comprendre. Je n’ai pas toute la partition. Je me retrouve dans la peau d’un enfant qui a failli se faire gronder pour une bêtise qu’il allait commettre en toute innocence. Mais quelle bêtise ?

- D’accord. Tu es pardonné pour cette fois me dit-elle avec son sourire malicieux. A demain et merci pour cette soirée vraiment agréable. Je suis sous le charme.


- °° -



Re : Une femme ordinaire (hétéro) - jkf - 01-08-2020

CHAPITRE VI (Fin du chapitre)


Allongé sur mon lit, je repasse en mémoire le film de la journée. J’avoue être dérouté par le comportement d’Alice. Elle est aimante pourtant elle affiche une réserve certaine.

Lorsque je veux la serrer contre mon corps, je sens qu’elle se raidit. Elle ne se laisse pas faire un peu comme une biche apeurée, une sorte d’angoisse intérieure qui la prend subitement et qui l’effraye aussi.

Lorsque je veux toucher son corps, c’est sensiblement la même réaction.

- Camille ! Tu crois qu’elle est encore vierge ?
- Oh ! Toi quand tu veux tu sais aussi être très con. Elle n’a rien d’une nonne ton amoureuse.
- Merci pour le compliment... Mais tu as raison.
- J’ai toujours raison. Aller, arrête de ressasser me chuchote Camille. Dors maintenant. Ne te prend pas la tête. Elle t’aime, ça saute aux yeux. Tu l’adores, c’est plus qu’une évidence. Prends ce qu’elle te donne et n’hésite pas à lui donner tout ce que tu as. Elle en aura bien besoin.
- Tu sais quelque chose ?
- Si je devais choisir entre ma place et la sienne, malgré ce qu’elle a vécu et ce qu’elle va devoir affronter, je n’hésiterais même pas une seule seconde. Fais bien attention à elle.


- °° -




Re : Une femme ordinaire (hétéro) - curieux - 01-08-2020

Toujours aussi sentimental, sinon plus, toujours aussi bien écrit, mais que de secrêts encore a venir. Merci jkf.


Re : Une femme ordinaire (hétéro) - jkf - 01-08-2020

Merci Curieux,



Re : Une femme ordinaire (hétéro) - grostimido - 01-08-2020

super suite elle nous cache quoi la petite Camille Sad


Re : Une femme ordinaire (hétéro) - jkf - 02-08-2020

Merci Grostimido,

Camille a compris. Alice ne va plus tarder a lever le voile.
A+


Re : Une femme ordinaire (hétéro) - jkf - 02-08-2020

CHAPITRE VII


Seize heures, j’ai mal dormi la nuit dernière. J’ai un gros coup de pompe, les paupières tombent sur l’écran de l’ordinateur. Je décide de rentrer.
Dans mon fort intérieur et au-delà de la fatigue bien réelle, j’ai surtout envie de retrouver Alice.

Sur la route, mon esprit vagabonde. Je n’ai pas pour habitude de vivre une relation de cette intensité et pour cause, c’est la première fois. Je ne me suis jamais senti aussi bien avec une femme et j’ai conscience de l’exceptionnalité de cette situation. J’ai une irrésistible envie d’être avec elle matin, midi et soir et je perçois qu’il faille rester vigilant pour, sous couvert de la passion, ne pas étouffer cet amour juste par égoïsme individuel.

Une problématique similaire se pose avec les journalistes lorsqu’ils tiennent un sujet d'actualité, ils ne parlent plus que de ça jusqu’à saturation. Dix jours après, ils passent à autre chose. Avec Alice, je n’ai pas du tout envie de passer à autre chose. Et ça tombe bien, les dix jours sont largement dépassés.

Ceci étant, j’ai toujours été d’un naturel plutôt prudent lorsqu’il s’agit de m’engager dans une relation durable. Et bizarrement avec mon amoureuse, je me surprends maintenant à envisager une petite vie bien tranquille. Dans cette vie bien rangée, il y a des enfants, nos enfants. Je vois aussi une grande maison pour abriter tout ce petit monde et un bout de terrain suffisamment vaste pour que deux chevaux puissent s’y ébattre à souhait.

Je nous vois tous les deux l’hiver sur le canapé, l’un à côté de l’autre près de la cheminée. Je nous vois encore l’été affalés sur le même canapé, Alice allongée sur moi en train de me titiller de son sourire narquois. Je vois Alice passer en petite nuisette sexy, moi qui lui cours derrière pour l’attraper dans l'espoir de lui enlever ce bout de tissu transparent qui agace mes sens. Je vois les yeux d’Alice brillants de bonheur lorsque nous faisons l’amour. Je vois Alice aux sports d’hiver, au supermarché, sous la douche, dans la piscine, aux toilettes où de son petit minois tout effaré elle me lancerait « Veux-tu fermer la porte gros cochon ».

Ces éclairs de vie me font sourire en s’imprimant tour à tour sur mes pupilles. En mon for intérieur, je sais que tout cela est bien prématuré après une rencontre vieille d’à peine quinze jours. J’ai conscience de la fragilité de cet équilibre amoureux qui peut basculer sans crier gare du jour au lendemain. Mais surprenamment, avec Alice, j’ai envie de croire à cet avenir, à cette petite famille qui m’a tant fait défaut.

J’allais emprunter la voie d’accès au parking de la résidence lorsque Alice en sort.

- Déjà rentré ? Je vais au centre équestre. Tu m’accompagnes ?
- Je me gare et j’arrive.

Je suis content, heureux, heureux de la retrouver, heureux de pouvoir être à ses côtés. Je me dis que la vie sans elle serait bien monotone et bien triste.

- Allez, en route. Alice euh attend ! j’ai oublié quelque chose.
- Voilà ce que c’est quand on n’a pas de tête.
- Un bibi, là !
- Ou ça là ?
- Sur le nez
- Et tu me fais arrêter pour ça ?

Mon nez est gratifié d'un tout petit bisou.

- Ça suffira ? ajoute-t-elle.
- Non, ici aussi.
- Gourmand. Avec toi demain on y est encore. On verra tout à l’heure. Tu n’es pas assez méritant.
- Je t’aime !
- Argument accepté, je m’incline. Allez viens !

Elle me tend ses lèvres et je m’enivre de son baiser. Dans la voiture avec la ceinture de sécurité, ce n’est pas ce qu’il y a de plus pratique mais on fait avec. Alice démarre et machinalement je pose ma main sur son jean. Elle prend ma main. Elle la serre dans la sienne.

- Tu sais conduire d’une main ?
- Avec toi, j’apprends à faire face à toute les situations, des plus improbables aux plus farfelues.

- °° -

Au centre équestre, Alice sort « Voie lactée » de son box.

- Je vais la lâcher dans la carrière. Il n’y a personne en ce moment. Elle pourra se dégourdir et tu verras, elle batifolera un peu et elle reviendra vite vers moi. Après comme il fait chaud, je la passerai au jet et puis je la brosserai. Elle adore.

Effectivement « Voie lactée », une fois lâchée, prend la mesure de sa liberté et s’élance au galop d’un côté à l’autre de la carrière. Elle saute comme un cabri. Quelques ruades en arrière et la voilà revenue.

- Tu vois je te l’avais dit.

Alice reprend mais sa voix est crispée avec une pointe d'angoisse.

- Pascal... Je vais devoir m’absenter pendant une dizaine de jours. Je ne connais pas encore la date exacte mais ça ne devrai plus tarder.

Elle marque un silence.

- D’habitude quand je peux, je la prends avec moi mais là ça ne sera pas possible. Mon coach m’a promis de s’occuper de ma jument. C’est une fille sérieuse. Je peux compter sur elle. Tu penses que tu pourras venir la voir de temps en temps toi aussi ?
- Venir voir ton coach, oui sans problème Alice, dis-je avec malice.
- Idiot. Tu sais bien que je parle de « Voie Lactée ».
- Oui, je sais. Tu peux compter sur moi évidemment. Je passerai la voir après le travail en fin de journée. Tu as un imprévu ?

Son regard est étrange. Il fixe un point imaginaire. Elle élude la question. Elle s’est raidie.

- Viens, on va doucher « Voie Lactée ». Elle adore.

Je lui prends le bras.

- Alice, tout va bien ?

Elle se tourne vers moi. Elle me regarde avec une tristesse inouïe, presque gênée.

- Pascal… Je sais que tu te poses plein de questions. Ce soir, je … je... j’essayerai de t’expliquer… peut-être. Mais pour l’instant je veux seulement profiter de vous deux réunis sans penser à autre chose.

Elle s’est détendue presque soulagée. Elle attache la jument à proximité du point d’eau et avec le jet, elle l’arrose copieusement. Je la regarde faire. Elles prennent toutes les deux presque autant de plaisir. J’aime ce petit bout de femme.

- Tu fais quoi ?
- Ben je vous regarde. C’est plutôt pathétique.

Alice porte un chandail gris. Son jean recouvre ses fesses aux courbes magistrales. J’aime regarder ses formes si sensuelles. « Voie Lactée » s’ébroue et Alice se retrouve trempée des pieds à la tête. Elle rit, moi aussi. Elle se tourne vers moi.

- Je suis toute mouillée dit-elle. Tu viens m’aider à la brosser ?
- Tu es sûre que c’est une bonne idée ?
- Allez viens. Tu ne risques plus rien.

Alice prend plaisir à me regarder. Je suis gauche. Je ne sais pas trop comment m’y prendre. Elle me montre. J’essaye de perfectionner la technique. J’y arrive. Enfin presque. Dans l’exercice, ce qui me ravi le plus, c’est le contact rapproché avec mon amoureuse, le frôlement de nos corps presque innocents dans une attirance irrésistible, le bien-être qui opère par magie, la sérénité affolante de sa simple présence, si proche, si sensuelle, terre nourricière de tous les désirs.

- Ton premier cours. Tu ne te débrouilles pas mal. Je n’irai pas jusqu’à dire que tu es doué mais…
- Oh toi la petite ingénue, tu ne perds rien pour attendre.

Je la prends par les hanches et je la soulève. Cinquante kilos tout mouillés.

Je laisse Alice glisser doucement tout contre mon torse. Son chandail dans le frottement de nos corps s’enroule sur lui-même, découvrant son nombril. Alice promptement remet en place le vêtement.
Trop occupé à profiter de son odeur parfumée, je n’ai pas remarqué la précipitation de son geste lorsque mes lèvres se sont emparées des siennes avec délices.

- On rentre ?


- °° -



Re : Une femme ordinaire (hétéro) - emmanolife - 03-08-2020

Tout me semble très juste dans ce récit ! Et agréable à lire. Jusque là, la rencontre est archi-classique, mais j'aime bien l'ambiance équestre qui me rappelle des souvenirs. L'ambiance hôpital me rappelle des souvenirs aussi d'ailleurs... Merci jkf.


Re : Une femme ordinaire (hétéro) - jkf - 03-08-2020

Merci Emmanolife,

L'ambiance hôpital, c'était l'année dernière au championnat de France de Lamotte-Beuvron. En tant que spectateur, je n'ai pas vérifié avec le covid-19 mais je n'ai surtout pas eu envie de réitérer.
A+



Re : Une femme ordinaire (hétéro) - jkf - 04-08-2020

CHAPITRE VII (Suite)


Le chemin du retour est particulier.

- Alice !
- Chut, ne dis rien s’il te plaît, pas avant que nous soyons arrivés. Je peux compter sur toi ?
- Oui Alice !

J’ai conscience que quelque chose d‘important se prépare et que ce quelque chose sera probablement décisif dans notre relation. Alice est concentrée non pas sur la conduite mais juste sur elle-même. Elle est déterminée. Je devine que mille pensées l’assaillent, qu’elle se demande par où commencer et comment elle va bâtir ce qu’elle a à me dire. Son regard est posé droit devant elle. Elle évite le mien de peur de libérer ses émotions.

Je suis inquiet, très inquiet. Je me demande ce qu’elle peut avoir de si important à révéler. Je cherche des indices mais je n’en trouve pas. Ai-je été assez réceptif ? Ai-je été suffisamment attentif ? Ai-je raté un point essentiel ? Je comprends que c’est grave, peut-être même très grave mais je suis incapable de mesurer. Je pressens qu’à l’issue, nos chemins peuvent prendre des directions opposées ou bien au contraire s’unir ensemble pour mieux se renforcer.

Dans le parking, Alice ferme sa voiture. Je lui tends ma main. Elle prend la mienne. Elle la serre très fort. L’intensité est surprenante mais elle me fait chaud au cœur. Alice est d’une dignité remarquable. Pourtant elle est nerveuse, elle tremble légèrement. L’émotion est bien réelle. Elle est palpable de mon côté aussi.

Dans l’ascenseur, ses yeux n’ont jamais été aussi beaux. Un abîme vertigineux dans lequel je ne demande qu’à sombrer. Elle sourit d’un sourire si triste que j’en frisonne encore. Elle sent que moi aussi je suis crispé, que je m’interroge. Je la prends dans mes bras. Elle pose sa tête chaude sur mon épaule. Ma main passe dans ses cheveux longs. J’appuie sur le bouton du deuxième étage.


- °° -



Re : Une femme ordinaire (hétéro) - Arnoc1972 - 04-08-2020

Merci pour ce joli texte,  je suis fan.
Ça fait bizarre de connaître les lieux de votre histoire ?