Récits érotiques - Slygame
Deux mondes (fantastique avec personnages gays, terminé) - Version imprimable

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Re : Deux mondes (fantastique avec personnages gays) - inny-2 - 15-08-2021

11 - Les textes magiques

Marseille, France

- Je t'écoute !
Il cherche ses mots.
- Par quoi commencer ? Bon. Les textes magiques décrivant les rêveurs ont été écrits par un puissant sorcier qui disait en être un lui-même. Il a longuement étudié sa situation et a consigné ses recherches. Pour éviter qu'elles ne tombent entre des mains insuffisamment éduquées, il les a enchanté afin que seuls les magiciens puissent y avoir accès.
- D'accord. Sauf que dans notre monde, ces informations pouvaient circuler librement... Pour peu qu'on y prête foi !
- Oui, il le savait ! Qui dans notre monde pouvait y prêter foi, d'après toi ?
- Les Rêveurs ! Il voulait que nous puissions savoir, même si nous n'avions pas le don.
- Sauf que son plan n'a pas fonctionné comme prévu. Je ne pouvais rien te dire ni te suggérer tant que nous étions en Outremonde. Mais maintenant, je vais pouvoir te révéler ce qu'il a découvert. Enfin, en résumé, parce qu'il y a là plus de trente années de recherches.
- Je suis impatient de savoir.
- Des liens relient les deux mondes depuis des millénaires. Ces liens ont été forgés par une magie extrêmement puissante, qui se renouvelle continuellement. Depuis que ces liens ont été créés et lancés, Outremonde et la Terre occupent exactement le même espace dans deux dimensions parallèles. Tu suis jusque-là ?
- Euuh, on va dire que oui... Mais comment a-t-il découvert ça ?
- Tu as trente ans à me consacrer ?
- Hum. Continue ton résumé.
- La nature complexe et instable du sortilège exigeait des liens très particuliers. Ils devaient être des ponts vivants entre les deux mondes, continuellement renouvelés, afin de maintenir la cohésion de l'ensemble.
- Attends... tu veux dire que...
- Oui. C'est nous, les Rêveurs. Nous sommes les ancres qui maintiennent les deux mondes ensemble. Nous sommes des éléments vivants du sortilège.

Je reste bouche bée. Ça dépasse mon entendement.
- Je vais te laisser digérer ça. Je sais ce que j'ai ressenti quand je l'ai appris.
- Il était certain de ne pas s'être trompé ?
- Apparemment, il avait obtenu certaines preuves... Il était vraiment très puissant. Il a pu analyser la nature du sortilège.
- Mais pourquoi fait une telle chose ? Pourquoi avoir relié les deux mondes ?
- Si seulement je le savais ! Mais le dernier des livres du sorcier a été perdu. Ou caché.
- Pourquoi ne suis-je pas étonné ?
- Serait-ce du cynisme ?
- Non, pas du tout. Quelque chose me dit que nos adversaires ont mis la main dessus... Et que ce qu'ils y ont appris les a grandement dérangés.
- Pourtant, ce doivent être des Rêveurs eux aussi, s'ils te traquent ici ?
- Pas forcément tous... Johann m'a avoué travailler pour des gens qui n'aimaient pas les Rêveurs. Il devait bien se douter qu'il finirait par y passer lui aussi, pourtant...
- Certaines personnes tueraient père et mère pour de l'argent, et ne se projettent pas tant que ça dans l'avenir.
- Ouais... Mais je ne suis pas vraiment convaincu.

Nous laissons de côté nos problèmes pour manger. Je lui demande de me parler de sa vie, ici.
- On est chez mes parents. Ils se sont offert un voyage à Venise pour leur anniversaire de mariage, ils en ont encore pour deux semaines.
- Tu est fils unique ?
- Oui.
- Pareil.
- Pas de petite amie ?
- Non, et toi ?
- Non plus.
Je le regarde un moment.
- En fait, j'ai un petit ami, lui dis-je.
Il ouvre de grands yeux.
- J'espère que ça ne te pose pas de problème.
- Pourquoi, non... Euh, il est dans quel monde, ton petit ami ?
- Celui-ci. Je suis allé le voir hier. Je ne le vois que trop peu, en ce moment.
- Pourquoi ?
- Il est en apprentissage à Lyon, et moi je suis étudiant à Paris. Et toi, qu'est-ce que tu fais ?
- J'ai monté ma propre affaire, elle tourne sur le net depuis deux ans maintenant. Complètement autonome.
- Vraiment ?
- Ouais.
- Mais t'as quel âge ?
- 26 ans.
- Tu ne les fais pas !
- On me le dit souvent. Tu as l'air de prendre ce que tu viens d'apprendre bien mieux que moi.
- Ne crois pas ça... C'est trop... incroyable pour moi. Ça me dépasse. Mais surtout, j'ai des préoccupations plus pressantes, comme nos adversaires.

- As-tu un plan ?
- Je crains de perdre Johann. Il nous faut le trouver en Outremonde. Et... essayer d'obtenir des informations, ce qui risque d'être délicat.
- Je pourrai t'y aider... D'une part, à chaque fois qu'ils tenteront de te localiser, je saurai où le sort a été lancé. Et quand nous trouverons ce Johann... un peu de magie bien utilisée peut rendre les gens très volubiles.
- Parfait. Reste le problème de ceux qui sont après moi dans ce monde-ci.
- Ils ne savent plus où tu es.
- Et c'est réciproque. Je ne sais pas où ils sont, qui ils sont, combien ils sont. Et ça me rend dingue.  Un jour où l'autre, ils finiront par passer outre le sort qui me protège, et alors...
- Mais que comptes-tu faire ?
- Contre-attaquer.


Re : Deux mondes (fantastique avec personnages gays) - inny-2 - 16-08-2021

12 - Planification

- Contre-attaquer ?
- Oui. Hum... Si je laisse le charme protecteur s'épuiser, tu pourras le réactiver par la suite ?
- Sans problème. Seule la destruction de l'amulette pourrait le briser pour toujours. Ça me prendrait du temps pour en refaire un.
- Très bien. Il suffira alors de le laisser se décharger...
- Je peux aussi le neutraliser temporairement.
- Encore mieux ! Ils pourront de nouveau me détecter dans ce monde, et ils arriveront... Sauf que j'aurai anticipé ce mouvement.
- Et tu feras quoi ?
- Je veux pouvoir les observer. En apprendre plus sur eux. Je pourrais même...
- Tu... tu veux les tuer ?
- Non ! Je ne suis pas un assassin. Et j'ai assez de problèmes avec ces types sans ajouter la police par-dessus.

Nous avons discuté pendant plusieurs heures jusqu'à ce que notre plan nous satisfasse tous les deux. Reste à le mettre en action.
- Quand ? Le plus tôt sera le mieux.
- Et où ? Pas chez moi en tout cas.
- Ouais, je pense qu'une chambre d'hôtel fera l'affaire. Ah ! Je sais. J'ai exactement ce qu'il me faut...
- Je viens avec toi.
Je le regarde, surpris.
- Inutile de te mettre en danger pour rien. C'est après moi qu'ils en ont, tu...
- Et un beau jour, ce sera mon tour ! Je veux savoir, moi aussi.
- Oui, tu as raison.
- On est ensemble, d'accord ? Dans les deux mondes.
- D'accord, dis-je en lui souriant.
Il sourit à son tour.
- Alors, c'est où, ton lieu idéal ?
- Provins... un ami à moi habite en face d'un l'hôtel. Je vais lui demander s'il peut me rendre ce service...
- Quoi que tu puisses lui raconter, ça risque d'être dur à avaler, comme histoire.
- Oh, il va adorer ça. Nous, on vit dans deux mondes. Lui, il n'a jamais posé les pieds sur terre. Il est écrivain.

- Allô, Jérem ?
- Salut, Ludo ! Comment va ?
- Ça va, et toi ?
- Ça dépend de quoi on parle. Mon inspiration est en berne, en ce moment. Mais bon, à part ça, contrairement à ce que prétend mon horoscope, je suis heureux, en pleine forme, et mes finances se portent bien, alors... Et toi, que deviens-tu ?
- Longue histoire...
- Ah, voilà qui est intéressant...
- Toi, tu cherches l'inspiration. Et moi, j'ai besoin de ton appart.
- Pour quoi faire ?

- C'est compliqué... Écoute, je te promets qu'en échange de ton aide, lorsque tout sera fini, je te raconterai suffisamment d'histoires pour nourrir ton inspiration jusqu'à la fin de tes jours. Et je n'exagère pas.
- Il faut que j'en parle à mon amour, mais pour moi, c'est OK.
- Pas de problème. Rappelle-moi dès que tu as une réponse. Il va bien, au fait ?
- Super bien.
- Tu le salueras de ma part. Si tu pouvais avoir la réponse rapidement, nous... Ah, oui, on sera deux.
- Tu es avec Marc ?
- Non, un ami.
- Tu ne lui fais pas des infidélités, à ton homme, hein ?
- Tu plaisantes ou quoi ? Jamais de la vie !
- Je te taquinais. Je sais à quel point tu l'aimes.
- Bon... où en étais-je ? Ah, oui, on partira demain matin. On est à Marseille en ce moment, compte un petit paquet d'heures pour le trajet.
- 800 bornes, quand même. Qu'est-ce que tu fais aussi loin ?
- Je suis en quête de réponses... Et je compte bien les obtenir... Depuis chez toi.
- Il va falloir que tu m'en dises un peu plus, là.
- J'ai besoin d'observer ce qui va se passer dans l'hôtel en face de chez toi. Ça ne devrait pas prendre plus de deux jours.
- Bon... Dans ce cas, pas de soucis... Mais tu auras intérêt à tenir ta promesse !
- Tu n'en croiras pas tes oreilles.

- Bon, dis-je en raccrochant, je pense que tout devrait bien se passer.
- Espérons-le. Il est gay aussi alors ? Je t'ai entendu dire « il » à propos de son amour.
- Hein ? Non. Son amour, c'est son poisson rouge.
Je m'efforce de maintenir un visage des plus sérieux et convaincu tandis que je vois celui de Cédric exprimer la perplexité la plus absolue.

L'appel de Jérémie ne tarde pas.
- Salut, j'ai de bonnes nouvelles pour toi.
- Je t'écoute.
- Je vais partir en Auvergne rejoindre des amis, donc, je vous laisse l'appartement... La gardienne te connaît, elle te confiera les clés.
- Merci infiniment.
- Mais de rien.

- Bon... C'est réglé.
- Cool. Enfin, j'espère.
- Ouais... on ne peut que croiser les doigts, désormais. Bon, autant dormir, maintenant. Je compte bien passer cette journée en mer à m'entraîner.
- Pareil. On n'aura pas grand-chose d'autre à faire, de toute façon.


Re : Deux mondes (fantastique avec personnages gays) - KLO7514 - 17-08-2021

Rien de tel qu'une bonne partie de pêche sur un «pointu», ces barques typiquement  méditerranéennes avec un "gland" à l'avant (vieille tradition pour éloigner les esprits maléfiques). Avec ce que craint Ludo, ce devrait être le bateau idoine : écarter les maléfices.


Re : Deux mondes (fantastique avec personnages gays) - inny-2 - 17-08-2021

C'est plutôt à la chasse qu'ils vont aller, ce qui n'est pas très fréquent sur un bateau.



Re : Deux mondes (fantastique avec personnages gays) - inny-2 - 17-08-2021

13 - Les hurleurs

Au large des côtes de Valnar, en Outremonde.

- Bonjour.
- Salut Ludo.
- Ludvik, ici, s'il te plaît.
- D'accord. Ludvik. Pourquoi donc ce prénom différent ? Pour mieux t'intégrer ?
- Quand je suis arrivé ici, j'ai été adopté par un couple d'aubergistes. Anna m'a donné ce prénom, pensant que je prononçais mal le mien. En fin de compte, j'ai fini par l'accepter, puis par l'aimer. Comme tout ce qu'elle m'a offert.
- Tu as eu beaucoup de chance. Vraiment beaucoup...
- Je suis désolé, Cédric.
- Tu n'y peux rien, c'est juste...
- S'il te plaît, parle moi de ce que tu as vécu.
- Tu verras bien quand on arrivera là-bas. Tu pourras le voir de tes yeux.
Il prend l'amulette et se concentre dessus.
- Ils ont tenté de te localiser cette nuit, au large de Soje. À une bonne journée de mer de nous.
- Si seulement on pouvait les rattraper...
- On ne pourra pas, mais je peux réduire l'écart en amplifiant le vent. Sortons.

Lorsque nous arrivons sur le pont, nous remarquons que les marins sont nerveux, leur attention est fixée sur l'arrière. Le capitaine utilise une longue-vue pour observer un point noir dans le ciel, en arrière du navire.
- Trois hurleurs crie-t-il !
Les marins qui nous entourent se regardent, effrayés.
- Dans la cale ! Crie le capitaine. Activez-vous, avant que ces engeances des ténèbres nous rattrapent ! Sjorek, prends ton arc et rejoins-moi dans ma cabine ! Jurl, tu verrouilles la porte du pont ! Allez !
- Même en levant une tempête, nous ne les distancerons pas, dit Cédric.
- Oui... Autant se battre.
Je fonce dans ma cabine, suivi par Cédric.
- J'ai de la cire, dit-il.
- Moi aussi, dis-je en fouillant dans mon sac.
La cire ne nous offrira qu'une faible protection, mais elle nous permettra de nous défendre.
Je ceins mon ceinturon et vérifie que mes armes glissent aisément hors de leur fourreau.
Cédric sort son arbalète de son propre sac et en déploie les branches. Le travail qu'il a effectué est admirable.
- Il y a six carreaux dans le chargeur. Je ne pourrai pas user de magie contre eux.
- OK... j'attirerai leur attention sur moi, reste à l'abri et tire-les de loin.
- Dégaine ton arme...
Je m'exécute, et il touche la lame d'un doigt, avant de poser sa paume contre ma poitrine.
- Voilà qui devrait t'aider. Bouchons-nous les oreilles, ils arrivent !
J'entends en effet des cris qui grandissent en puissance. Les bouchons de cire les font disparaître... pour le moment.

Nous ressortons sur le pont, passant la porte qu'un Jurl paniqué barre derrière nous avant de fuir vers la cale.
J'angoisse. Je n'ai affronté une de ces choses qu'une seule fois. Un jeune solitaire.
J'avais été salement blessé. Espérons que j'aie tiré des leçons suffisamment profitables de cet affrontement. Et puis, je ne suis pas seul, cette fois-ci.
Eux non plus...

Je peux mieux les voir, maintenant. Deux adultes et un jeune. Ces créatures me font penser à des ptérodactyles, avec leur grandes ailes membraneuses. Elles sont d'un noir de jais, et leurs yeux rougeoient dans leurs orbites. Leurs griffes sont cruellement acérées. Mais ce sont leurs cris épouvantables qui sont leur arme principale.
Je me mets dos au mât, et les regarde faire un passage au-dessus du pont. Ils font demi-tour pour attaquer...
Leurs hurlements conjugués me vrillent alors le crâne, me mettant au supplice. Si je n'avais pas protégé mes oreilles, je serais déjà mort. Deux flèches partent des fenêtres de la cabine du capitaine. L'une d'elles rate sa cible, et l'autre vient érafler le corps du jeune. Il est difficile de viser quand on a l'impression que sa tête va éclater.

Je me jette à terre pour éviter leur attaque, roule au sol et abats mon épée sur une aile, la déchirant. La bête tombe sur le pont en criant de plus belle. Je reste au sol en continuant à rouler le temps que Cédric les crible de carreaux, puis me relève. Toujours pas mortes, les bestioles. Elles sont plus que coriaces. L'un des adultes a reçu pas moins de quatre carreaux, il semble mal en point. J'esquive facilement son coup de bec et abats mon arme sur son cou, le tranchant net. Wow, je ne sais pas ce qu'a fait Cédric, mais le cuir résistant des hurleurs n'est plus un problème pour ma lame. Le volume sonore diminue d'un cran, à mon grand soulagement.
Je recule désespérément sous l'assaut du deuxième adulte, tout en tentant de repérer où a bien pu passer le dernier.
Je vois Cédric foncer sur moi avec son bâton, qui s'allonge en déployant ses éléments télescopiques. Je trébuche soudain sur un cordage et tombe en arrière. La bête en profite pour donner un grand coup de bec sur une de mes jambes, que je vois s'auréoler brièvement de bleu. Un sort d'armure, visiblement, car je n'ai presque pas eu mal.
Roulant sur le pont, je tente de me relever, et vois Cédric abattre son bâton sur la nuque du volatile, qui se raidit soudain. Je vois une lame ensanglantée émerger de son cou. Je me relève soudain et fonce sur Cédric. Le jeune hurleur avait rejoint les airs, et il pique maintenant droit sur le dos de mon ami. Je le pousse de l'épaule et lève mon épée, l'abattant sur la créature et transperçant sa poitrine avant de basculer en arrière sous le choc.

Cédric me dégage du hurleur mort et m'aide à me relever. Après une brève inspection des alentours, nous ôtons nos bouchons de cire.
- Tu vas bien ?
- Oui. Merci pour tout.
- C'est réciproque, dit-il en souriant.
Le capitaine sort de sa cabine, un large sourire aux lèvres.
- Félicitations ! Quel beau combat ! Nous vous devons beaucoup, jeunes gens !
- Mais de rien, voyons. Nous étions tout autant menacés que vous.
- Je ne regrette pas de vous avoir eu à bord ! Je suis votre débiteur.
- Oh, dans ce cas, qu'on ne touche pas à ces créatures pour le moment... J'ai quelque chose à faire avant.
Je nettoie soigneusement la lame de mon épée avant de la rengainer, puis retourne dans ma cabine pour en prendre un flacon. Je retourne alors sur le pont et m'accroupis devant le premier hurleur en tirant ma dague.
Trois hurleurs fourniront six glandes, à quatre couronnes du roy pièce, cela en fera vingt-quatre. Il n'y a pas de petits gains... Et vingt-quatre pièces d'or sont une belle somme.
C'est principalement en fournissant divers apothicaires que j'ai bâti ma fortune en ce monde. Le reste est formé de diverses récompenses. Pas une pièce de cuivre que je n'aie gagné à la sueur de mon front. Et la plus grande partie de cet argent a été bien investie.
Une fois ma tâche accomplie, les bêtes sont jetées à la mer. Je me lave les mains dans un seau que m'apporte un marin. Nous avons gagné leur respect en allant risquer nos vies pour affronter ces créatures sur le pont.

Je rince le couvercle du flacon et regarde les glandes flotter dans l'alcool. J'ignore totalement à quoi elles peuvent bien servir, mais elles valent plus que leur poids en or... et c'est tout ce qui compte.
Cédric, de son côté, a récupéré ses carreaux. Une fois lavés et séchés, ils retournent dans le chargeur de son arbalète. Une belle arme, je suis vraiment impressionné par ses talents. Et content de l'avoir à mes côtés.
- Ce sont de petits carreaux, à ce que je vois.
- Bien obligé. L'arbalète en elle-même est assez petite. J'ai dû revoir tout le concept, mais heureusement j'ai pu trouver pas mal d'infos sur le net.
Il nettoie la lame de son bâton, avant de le rétracter dans sa position de transport grâce à une manivelle.

Nous prenons notre petit déjeuner dans la cabine du capitaine, et savourons ce moment de repos.
- Il est rare de voir des hurleurs s'en prendre à un navire, heureusement... Mais ces créatures n'hésitent pas à déchiqueter les portes à coups de bec et à s'introduire jusque dans les cales à la recherche de viande. Nous vous devons beaucoup ! Je ne sais si nous aurions pu les repousser sans pertes. Si jamais je peux faire quelque chose pour vous, n'hésitez surtout pas.
- Il y a bien une chose... Si vos marins peuvent rester discrets sur ce qui vient de se passer... Ou du moins ne pas nous citer... Nos ennemis n'attendent qu'une chose, c'est d'entendre nos noms.
- Très bien, comptez sur moi pour leur faire rentrer ça dans le crâne, dit-il en souriant.
- Merci. Étant donné que ces ennemis veulent notre peau, considérons donc que nous sommes quittes.
- Soit ! Vous serez toujours les bienvenus sur mon navire, tous les deux.
- J'en prends bonne note, dis-je en souriant.


Re : Deux mondes (fantastique avec personnages gays) - KLO7514 - 18-08-2021

Hé bé...quelle journée! Trois hurleurs à leur tableau : qui dit mieux? (Y aurait-il un rapport entre ces "bestioles et les Sirènes? ou les fameux Stukas "hurleurs" de la Luftwaffe?) Demain, direction la Terre et le guet devant la fenêtre de la maison de Jérem. Verra-t-on de sombres déplacements dans cet établissement?


Re : Deux mondes (fantastique avec personnages gays) - Philou0033 - 18-08-2021

Bonjour,
super les cinq suites. J'ai bien intégré les deux mondes et je suis impressionné par le récit qui manie si bien les similitudes et l'interaction des personnages.
Superbe attaque des trois hurleurs qui se sont faits dézingués sur le bateau par Cédric et Ludvik!

Merci [member=201]inny-2[/member] !

Philou


Re : Deux mondes (fantastique avec personnages gays) - inny-2 - 18-08-2021

14 - Tourments

Nous passons la matinée à nous entraîner. Le récent combat nous a bien montré à quel point il nous faut être au meilleur de nos capacités. De plus, savoir de quoi chacun d'entre nous est capable nous permettra d'être plus efficaces.
Je dois bien avouer que Cédric se débrouille bien au bâton, mais il lui manque un peu de sens tactique. Pas étonnant, car il s'agissait là de son premier combat réel.
Lorsque sonne la cloche du repas, il s'appuie contre une paroi.
- Je vois... qu'il me reste pas mal de choses à apprendre.
- Moi aussi. C'est un apprentissage continuel... Je ne suis pas à la hauteur de mes maîtres ou d'un vétéran. Jusqu'à présent, je m'en sors en utilisant les techniques d'un monde dans l'autre, et vice-versa. Ça a le don de mystifier mes adversaires...

- Tu as déjà tué des hommes ?
Je le regarde un moment.
- En Outremonde, j'ai dû me battre plusieurs fois pour ma vie...
Je soupire, regardant dans le vide, avant de continuer.
- Et chaque fois que j'ai tué quelqu'un, c'était comme si une part de moi mourait elle aussi...
- Laquelle ?
- Mon innocence...
- Si tu regrettes ces morts, c'est que...
- Rien du tout ! J'ai déjà trop perdu, et nous vivons dans un monde rude, où la vie a peu de valeur pour bien des individus. D'autant que maintenant, on en veut personnellement à ma peau... Je sais que je devrai tuer encore... et continuer à perdre ce qui fait que je peux encore me regarder dans une glace. Je crains de voir arriver le jour où cela ne me fera plus rien d'ôter la vie à un être humain.
- Tu es quelqu'un de bien, Ludvik ! Ça n'arrivera pas ! La vie a de la valeur, pour toi ! Tu n'es pas comme ces criminels.
- Peut-être...
Mais parfois, oh, parfois, je le regrette... Ne pas avoir de conscience, ne pas culpabiliser... Ne pas se souvenir de tous ces visages...

Je secoue ces pensées.
- Désolé, je suis d'humeur sombre alors que je devrais me réjouir de nous voir en vie.
- C'est moi, je n'aurais pas dû poser la question.
- Elle devait l'être... Tu dois savoir si tu peux compter sur moi au cas où je devrais affronter des hommes. La réponse est oui. Tout comme je sais ce qu'il en est de toi.
- Je ne sais même pas si je pourrais tuer quelqu'un !
- C'est bien ce que je disais. Et... Je suis content que tu ne le saches pas.
- Bon... Ça va, ta jambe, sinon ?
- À peine un bleu. Ton sort d'armure est très efficace.
- Il ne dure pas longtemps, et son efficacité diminue à chaque coup reçu.
- J'en prends bonne note. Et le sort que tu as jeté sur ma lame ?
- Exactement pareil. À chaque fois que tu frappes, le sort s'affaiblit.
- Je vois.
- Je comptais profiter du temps passé en mer pour enchanter ta lame plus durablement. Ce sera moins efficace que mon sort, mais l'effet durera un an.
- Elle l'est déjà... Un enchantement de solidité posé par ton mentor, à prix d'or.
- Si c'est lui qui l'a enchanté, il doit y avoir moyen d'en mettre un autre. Laisse-la moi pour quelques heures après le repas.

Lorsque nous ressortons, Cédric rentre dans notre cabine avec mon arme, et je passe les heures suivantes à faire de l'exercice, puis demande aux marins de m'apprendre les bases de leur métier, ce qu'ils se font une joie de faire. Il n'y a pas de connaissances inutiles.
C'est ivre de fatigue que je me laisse tomber sur ma couchette.
- Pfff... Demain, je sens que je vais retrouver le sens du mot courbatures.
- Héhé. On a vraiment une existence bien singulière. Même en mettant de côté ce qu'on vit en Outremonde. On est comme des vampires diurnes. La nuit, nous sommes presque sans défense.
- Oui... Bien que j'aie déjà été réveillé en pleine nuit, en Outremonde comme sur Terre.
- Pareil.
- Comme je peux redouter cette sensation de tiraillement... Heureusement qu'on peut y résister. Ça m'est arrivé alors que j'étais à moto, une fois. J'ai dû me prendre une chambre d'hôtel pour aller voir ce qui se passait.
- Et que se passait-il ?
- Un incendie a ravagé l'auberge. Mes parents adoptifs ici m'ont tiré inconscient de ma chambre. Il a fallu du temps pour pouvoir atteindre de nouveau la cave où j'entreposais mon argent, dans une cache scellée par ton mentor... J'ai payé intégralement la reconstruction.
- Tu es aussi riche que ça ?
- Les ingrédients alchimiques se vendent une petite fortune, surtout s'ils viennent d'une bête rare ou féroce.

- Voyons ça...
- Hum ?
Je le vois se concentrer un moment, puis sourire.
- Il y a dans ta bourse deux couronnes d'argent, une demi-couronne, et cinq de cuivre. Le talon de ta botte gauche est creux et cache un diamant. Ton sac de voyage contient une autre bourse avec... cinq couronnes du roy et vingt d'argent !
- C'est tout ?
- Oui...
- Laisse-moi compléter alors... La plaque d'acier qui est dans mon sac, tu l'as vue ?
- Oui...
- C'est une plaque de commerce.
- Jamais entendu parler.
Je la sors de mon sac, la sors de son emballage de cuir et la lui tends.
Deux de ces plaques posées côte à côte couvriraient ma paume. Elle est gravée de symboles divers sur une face, et d'écriture - cette écriture qu'il m'a fallu apprendre - sur l'autre.
- Propriété de la Compagnie Marchande de la Baie d'Astil, d'une valeur de cinq cent couronnes du roy... Par la Lumière ! Mais qu'est-ce que tu as tué pour avoir ça ? Un dragon ?
- Les dragons sont une légende dans les deux mondes. Non, c'était un sembleur. Chaque œil de sembleur m'a rapporté une de ces plaques. Pas auprès d'un apothicaire de base, mais de celui d'une compagnie marchande ou d'un noble.
- Qu'est-ce qu'on fabrique avec ça ?
- Rien de moins que l'élixir de jouvence.

- Ah ouais ! Bon sang, je comprends que ça soit aussi coûteux...
- Ce n'est que l'un des aspects du prix. Les sembleurs sont rares, et durs à tuer.
- Tu en as eu combien ?
- Trois... Et crois-moi, bien que sachant à quel point leurs yeux étaient précieux, je ne les ai jamais cherché activement. Et encore moins après ma première rencontre.
- J'ai lu des récits sur les sembleurs...
- C'est en-dessous de la vérité. Ce fut un pur cauchemar à chaque rencontre. Le seul réconfort que j'aie, c'est d'avoir débarrassé le monde de trois de ces horreurs et d'avoir épargné l'enfer à des gens sans défense. Mais le prix à payer... J'espère sincèrement ne jamais en revoir un de ma vie. Bon. Tu as posé l'enchantement sur mon épée ?
- Le plus gros est fait. L'enchantement est encore brut, je dois lui donner forme. Que veux-tu ?
- Euh, qu'est-il possible de faire ?
- Précision, acuité, embrasement, froid, poison, choc...
- Ah... Et je n'ai droit qu'à un seul choix, c'est ça ?
- Oui... Il me faudrait beaucoup plus de temps et des ingrédients rares pour faire plus.
- J'ai assez de précision moi-même, je pense. Et je n'ai pas envie d'avoir un effet élémentaire sur ma lame. L'acuité est l'équivalent du sort que tu avais lancé tout à l'heure, n'est-ce pas ? Elle améliore le tranchant ?
- C'est exact. En un peu plus faible, mais durable.
- Va pour l'acuité.

Il se concentre alors et je vois un éclat de lumière bleuté courir le long du tranchant. Il s'efface peu à peu mais il reste comme un souvenir de cette lueur quand je regarde le fil de la lame.
- C'est fait.
- Merci, dis-je en reprenant la lame.
- L'enchantement d'acuité la gardera toujours parfaitement affûtée.
- Bonne nouvelle.
Je rengaine la lame et ôte mes vêtements pour dormir... Et me réveiller sur Terre.


Re : Deux mondes (fantastique avec personnages gays) - KLO7514 - 19-08-2021

Ludvik-dovic est, lui aussi, très futé et j'espère que son esprit sera bien...affuté comme sa lame. Demain, nous serons à Provins, si j'ai bien compris, charmante ville médiévale où l'on découvre une Tour de César, si je me souviens bien de cette visite que j'y fis en...1965, transporté sur ma "Mob" AV 88, une vraie de vraie "bleue" qui me donna bien des plaisirs dans ma "folle jeunesse"!
Grand merci, cher Inny-2 pour nous faire ressouvenir de tous ces détails.


Re : Deux mondes (fantastique avec personnages gays) - inny-2 - 19-08-2021

Par contre, il y a peu de chances qu'il se mette à chanter "Je suis une fleur de Provins".


Re : Deux mondes (fantastique avec personnages gays) - inny-2 - 19-08-2021

15 - Vers Provins

Marseille, France

Cédric a préparé quelques affaires et les a tassé tant bien que mal dans mon sac à dos. Je le lui confie et nous grimpons sur ma moto.
- Je préfère que tu t'accroches à moi, lui dis-je. J'ai déjà vu un passager être éjecté d'une moto, sur l'autoroute... Ce n'était pas beau à voir.
- Merci de me rassurer...
- Je veille sur mes bagages, ne t'en fais pas.
- Le bagage te remercie... J'en connais un qui va se prendre des coups de bâton.
- J'arrive pas à croire que tu en aies fabriqué un ici.
- Il fallait bien que je me fasse la main. En fait, j'en ai six, celui-ci est un modèle que je n'ai pas pu reproduire là-bas... Manque de matériaux adéquats.
- Pfff.
- Tu peux parler, toi ! C'est bien une épée que j'ai vu dans ton sac, non ?
- Une rapière.
- Ne joue pas sur les mots. Tu comptes faire quoi avec ça ?
- Rien. Ça me rassure de l'avoir, c'est tout.
- Bah c'est pareil pour moi.

Cédric bien calé contre mon dos, nous partons pour une longue remontée vers le nord. De nouveau, je repense à notre situation dans les deux mondes. C'est bizarre, mais j'ai un peu l'impression d'abandonner mon alter ego d'Outremonde en remontant ainsi, mais non, nos actions coordonnées nous donneront la victoire... Enfin, je l'espère.
La situation risque d'être nettement plus délicate sur Terre. Mon blouson n'arrêtera pas une balle... Et je ne peux pas attaquer préventivement. Juste mettre de sérieux bâtons dans leurs roues...
Mes mains gantées se crispent sur les poignées alors que je repense à Johann.
- Vous avez de la chance. Le poison que j'ai versé dans le réstil vous tuera sans douleur.
Tu vas voir, quand on se reverra en Outremonde, quelle chance tu vas avoir.


Nous faisons une première pause à Orange. Alors que Cédric me raconte comment il a pu façonner son bâton en Outremonde grâce aux conseils des forgerons locaux et aux informations récupérées sur le net, j'ai soudain la vision de la chose à plus grande échelle.
- Cédric... Tu te rends compte de ce que l'on serait devenus si on avait monté une entreprise en Outremonde en utilisant nos connaissances ? Nous aurions pu devenir immensément riches et puissants, tout en mettant à genoux toute concurrence, car elle aurait eu des siècles de retard, et aucun espoir d'accéder à ce savoir.
- Tu crois que c'est ce que préparent les autres Rêveurs ? Ça se tient... Ils chercheraient à empêcher que quiconque puisse révéler aux autres les connaissances dont ils seraient les seuls détenteurs.
- Comme les guildes autrefois... Leurs secrets de fabrication étaient jalousement gardés.
- Pfff... décidément, il y aura toujours des gens prêts à tout pour le pouvoir. Étonnant que ça ne se soit pas produit plus tôt...
- Ça s'est produit, mais à petite échelle. J'ai eu une énorme surprise en enquêtant sur une histoire de fantôme... Mais c'est une longue histoire et nous avons beaucoup de chemin à faire. Il est temps de reprendre la route.
- OK. Mais tu me la raconteras.
- Promis.

Les kilomètres défilent, encore et encore. Nous discutons de temps en temps, j'aime bien entendre sa voix dans mon oreillette. Lorsque nous atteignons Lyon, je décide d'un arrêt.
- Autant manger maintenant...
- Si tu veux voir ton homme, je comprendrais.
- C'est gentil, mais... Je ne pensais pas que je reviendrais. Je me savais traqué, et je ne pouvais décemment pas dire la vérité à mon homme. Je lui ai raconté une histoire. S'il me revoyait...
- Je comprends.
- Pff... Si je remets la main sur ce Johann, je l'étrangle.
- Et tu prétends que tuer ne te fait pas plaisir ?
Je sursaute.
- Je comprends que tu sois en colère vu qu'il n'a pas été loin de te tuer, mais ce n'est pas une raison pour s'abaisser à son niveau.
- Cédric...
- Ne deviens pas comme lui, Ludo, ou tu ne pourras effectivement plus te regarder dans une glace.
- Cédric...
- Tu vaux mieux que lui !
- La voiture, juste à droite... Le conducteur... C'est lui !


Re : Deux mondes (fantastique avec personnages gays) - KLO7514 - 20-08-2021

J'espère fortement que le Yohann n'ait pas reconnu Ludo sur la moto en train de le doubler. Difficile, en effet, de se rendre compte de l'identité d'un motard et de son passager, casqués "intégralement" si le chauffeur de la voiture ne les a pas vus à l'arrêt  sans leur protection "de tête". Mais eux peuvent voir ledit chauffeur qui est nu-tête dans l'habitacle du véhicule.
Comment le Yohann sait-il que Ludo et Ced vont vers le nord? Il y a là un grand mystère à moins d'une sorte de communion d'esprit entre rêveurs, "communion" tout involontaire par ailleurs, vu l'histoire.


Re : Deux mondes (fantastique avec personnages gays) - inny-2 - 20-08-2021

16 - Chasseur chassé

- Tu es sûr ?
- Certain.
Je regarde l'homme avec une colère qui se mue en froide détermination. Même à travers ma visière teintée, je suis absolument certain de mon identification.
Je vais le dépasser un peu, regarde-le discrètement. Retiens bien son visage...
Le feu passe au vert, je devine que Cédric tourne la tête tandis que je maintiens ma moto un peu en avant de la voiture de Johann afin qu'il puisse le voir de profil.
- Vu. Il y a une autre personne mais je ne la vois pas très bien.
Au feu suivant, je laisse la voiture passer devant et commence à la suivre.
-Je pense qu'ils vont vers l'hôtel où j'ai passé la nuit, le soir qui a suivi mon empoisonnement.
- C'est là qu'ils ont perdu ta piste, vu que depuis tu es protégé.
- Ça m'étonne que ça leur aie pris autant de temps pour arriver jusqu'ici.
- Ils devaient penser qu'ils parviendraient à te localiser de nouveau.
- Héhéhé... Dommage pour eux, c'est moi qui l'ai vu le premier. Et il ne risque pas de me reconnaître pour le moment, avec mon casque intégral. Ce qui me fait penser... Tu vas le suivre quand il entrera, officiellement pour réserver une chambre. Moi, je ne peux pas.
- OK.

Attendre, à distance raisonnable de l'hôtel, est une torture pour mes nerfs. Je décide de passer le temps en téléphonant.
D'abord, consulter mon compte...
- Votre solde créditeur est de... Cent quarante- trois euros, trente-sept cents.
- Oh-oh...
Nouvel appel...
- Allô ?
- Allô, Fred ? C'est Ludo.
- Salut, Ludo, tu vas bien ?
- Oui, merci, et toi ?
- Toujours content d'avoir des nouvelles de mon grand frère, tiens ! Qu'est-ce que tu deviens ? Quand est-ce que tu passes nous voir ? Tu as eu une nouvelle coupe en escrime ? Ça se passe bien à la fac ? Et Marc...
- Stoooop !
- T'as qu'à donner des nouvelles plus souvent ! Dit-il en éclatant de rire.
- Je devrais, oui. Papa est là ?
- Oui. Papa ! C'est Ludo !
- Aargh, ne crie pas dans le combiné !
Je tente de me frotter l'oreille mais ce n'est pas évident avec un casque...

- Salut, tu vas bien ?
- Salut papa. Je viens de perdre un tympan je crois... Il a de la voix mon petit frère.
- Oui, hein ! Et à part ça ?
- Je vais passer professionnel en escrime l'année prochaine, une fois que j'aurai terminé mes études.
- Je suis content de l'apprendre.
- Euh... je t'appelais parce que... je suis un peu à court de fonds, là. Tu pourrais m'aider s'il te plaît ?
- Mais où est-ce qu'il part, ton argent ?
- Dans le réservoir de la moto...
- Bon, je te fais un virement, mais essaie de rouler un peu moins, OK ?
- Euh, ce mois-ci, c'est râpé. Je fais des allers-retours entre Marseille et Paris.
- Qu'est-ce que tu vas faire à Marseille ?
Oups... Voyons voir...
- Je prépare ma dernière année... à Marseille.
- Eh bien... Au moins tu ne manqueras pas de soleil. Bon, je t'envoie de quoi tenir, mais essaie de te trouver un petit boulot, ce ne sera pas un mal.
- D'accord. Merci beaucoup.
- De rien. Prends bien soin de toi, et passe donc nous voir. Tu sais que tu nous manques... et que Frédéric se sent bien seul.
- Je sais... Je ferai mon possible dès que j'aurai réglé tout ce que je dois faire. Promis.
- Content de l'entendre.
- Au revoir. Embrasse tout le monde de ma part.
- Au revoir.

Pfff... Il a raison mon ptit frère, je les néglige trop. Et ce n'est pas avec ce qui m'arrive en ce moment que je vais pouvoir les revoir.
Toujours pas de Cédric.
Mais qu'est-ce qui se passe là-dedans ?

- Allô Marc ?
- Salut mon amour. Tu me manques déjà.
- Toi aussi.
- Comment ça se passe ? Tu as beau temps en Italie ?
- Ouais, c'est sympa.
- N'oublie pas la carte postale.
- Tu fais bien de m'y faire penser !
Merde, comment je vais faire ? Hum... Je suis très distrait, moi, hein ?
- Et toi, ça va ? Il fait beau ?
Je regarde le ciel bleu.
- Oui, un temps superbe.
- J'ai hâte de te revoir.
- Moi aussi. Je t'embrasse. Ça m'a fait plaisir de te reparler.
- Je t'aime.

Je vois enfin Cédric arriver, il reprend son casque et s'installe derrière moi avant de l'enfiler. Pas un bon signe. Pas plus que la phrase qu'il me lance.
- On n'est pas dans la merde, là...


Re : Deux mondes (fantastique avec personnages gays) - inny-2 - 21-08-2021

17 - Poursuite

- Qu'est-ce que tu veux dire ?
- Les deux types se sont pointés à l'accueil et le plus âgé s'est présenté comme étant de la police... il a agité une plaque sous les yeux du gars de l'accueil puis lui a posé des questions sur toi en lui montrant une photo ! Il t'a reconnu tout de suite, et il a indiqué que tu es arrivé et reparti avec un autre jeune qu'il a bien décrit. Là, il les a emmené voir la vidéo des caméras de surveillance du parking !
- Meeeerde ! On file. Oh, putain, il manquait plus que ça.
- Il est possible qu'il ne soit pas vraiment ce qu'il prétend être... je ne reconnaîtrais pas une fausse plaque même si elle me mordait à la jambe.
- Moi non plus... mais je ne pense pas... non, je ne veux même pas l'envisager. Car sinon, il ne leur faudra pas longtemps pour remonter jusqu'à moi... et ma famille... et Marc. Oh non...
Mais... où ont-ils été chercher une photo de moi ?

Je m'arrête dans une ruelle, regardant devant moi sans rien voir.
Que faire ? Que faire ? Je ne sais pas... Je...
- Ludo, il n'y a qu'une seule possibilité. C'est de frapper avant qu'ils ne frappent, et pour ça...
- Ils faut qu'ils me trouvent... Car ils n'auront pas besoin de s'en prendre à quelqu'un d'autre s'ils pensent être sur le point de m'avoir. Descends.
- Euh...
- Je vais les lancer sur ma piste et les lâcher sur la route de Provins. Toi, de ton côté, tu retourneras en Outremonde pour lever le sort.
- OK. Mais je préfèrerais qu'on reste ensemble.
- Je ne tiens pas à te mettre en danger. Ils ne te connaissent pas encore.
- C'est gentil, mais je suis avec toi jusqu'au bout, dans les deux mondes. Je ne descendrai pas. Et puis, s'ils pensent que je suis celui avec qui tu as été à l'hôtel, ils n'iront pas le chercher. Avec mon casque, ils n'y verront que du feu.
- Merci. Merci beaucoup.
- Allez, en route.
- Accroche-toi !

Je file en trombe et retourne vers l'hôtel. Par chance, ils sont devant leur voiture, je vois mieux le deuxième homme, dans le genre passe-partout, on ne peut pas faire pire. Cheveux bruns, yeux bruns, taille moyenne, visage plus que banal. Le genre de type que tu oublies une seconde après l'avoir quitté des yeux.
Lorsque mon regard se porte sur Johann, qui est en train de téléphoner, une froide rage m'envahit. Je m'arrête non loin d'eux, leur faisant lever la tête. Je sens qu'ils comprennent soudain qui est sur cette moto. J'accélère alors à fond et me lance sur Johann, qui prend une expression paniquée et se jette de côté, juste à temps. Je prends l'autre sortie à contresens et file dans la rue.
- Je crois qu'ils t'ont remarqué, là.
- Hé.
- Et le mobile de Johann est en miettes.
- Qu'il m'apporte la facture...
Je regarde dans mon rétroviseur, mais je ne les vois pas. Ah ! Si.
- Bon... amenons-les hors de Lyon.

Ils font tout pour nous rattraper, il faut dire que je n'ai pas fait dans la dentelle, ils savent que je les ai repérés, et maintenant...
Une sirène retentit derrière nous.
- Ah, c'est le bouquet, ça, gémit Cédric.
Je jette un œil.

- C'est leur voiture... Soit ils sont vraiment ce qu'ils prétendent être, et c'est une très mauvaise nouvelle... soit ils ont un culot monstre.
- Pfff.
- J'aurais vraiment préféré ne pas t'embarquer dans cette histoire, dis-je en accélérant.
- Trop tard. Et j'étais volontaire, de toute façon.
- Ouais... On laisse tomber nos plans, ça devient beaucoup trop chaud là. S'ils sont vraiment de la police...
- D'accord.
Je tourne dans une ruelle que je remonte en trombe avant de déboucher dans une avenue et de me faufiler dans le trafic.
- Sauf si on peut les coincer...
- T'as un plan pour ça ?
- Aucun pour le moment.

Je continue à m'éloigner du centre de Lyon, j'ai lâché depuis un moment la voiture qui nous suivait, j'ai trop flippé quand ils ont utilisé leur sirène.
Même si c'était du culot... Ça me fait peur qu'ils en aient autant. Et dans le cas contraire, ma malheureuse moto ne suffira pas à mettre suffisamment de distance entre nous et tous ceux qu'ils pourront lancer à nos trousses.

Je passe sous la voie ferrée et tourne à gauche pour traverser le pont Galliéni. Heureusement que je connais Lyon, à force d'aller voir Marc... J'évite de justesse de prendre l'autoroute comme à mon habitude. Un autre pont, et je m'engage dans une avenue qui louvoie tout en m'emmenant toujours plus loin vers la D7. La ville est bientôt derrière moi, et je ne remarque toujours aucune trace de poursuite.
Je décide sur un coup de tête de quitter la départementale pour rejoindre une route conduisant en forêt. J'ai besoin de faire le point. Je suis déjà venu là, guidé par Marc, on s'y était promenés l'été dernier...

- Quelle galère ! Ils sont beaucoup plus puissants ou déterminés que nous. Mais qui sont-ils, à la fin ? Quand je pense qu'on y allait la bouche en cœur...
- Au moins, on est fixés... Sur certaines choses. Mais notre piège à Provins tombe complètement à l'eau avec cette histoire. Je crains qu'ils n'aient trop de ressources.
- Je vais devoir m'appuyer sur toi, Cédric. Tu es encore inconnu pour peux.
- Pas de problème.
- Je ne peux plus rentrer chez moi, je peux pas... Oh, merde, il faut que je prévienne Marc, et ma famille... mais je vais leur dire quoi ? Je n'ai pas arrêté de leur mentir ces derniers jours.
- Personne ne peut les protéger.
- Et quand bien même... Je ne peux pas rester sans rien faire... Oh mon dieu...
- Ludo...
- Je vais mourir, Ced... Ils vont mettre la main sur ma famille, ils vont m'obliger à venir... Et ils vont me tuer. Je n'ai pas le choix, je vais me rendre pour les protéger... Disparais, Ced.
- Non ! Ludo... je t'en prie...
- Je n'ai pas le choix ! Prends mes affaires en Outremonde, et... oui, sers-toi de ça, lui dis-je en lui donnant ma carte bleue. Demain il y aura un virement de mon père, tire autant d'argent que possible et ne t'en sers plus après ! Cette nuit, lève le sort qui me protège.
Je redémarre et retourne sur la départementale. Direction Paris...

Ma gorge est serrée, et je peux imaginer ce que ressent mon compagnon.
Tandis que défilent les kilomètres, je me demande combien de temps encore il leur faudra pour me trouver... Pas longtemps, je pense.
Je laisse un Cédric en larmes devant une station de métro, et poursuis ma route jusque chez moi.
Je prends le temps d'attacher la moto. Par habitude.
Je déverrouille la serrure, le cœur battant.
Ils m'attendent.

Fin du livre I


Re : Deux mondes (fantastique avec personnages gays) - inny-2 - 22-08-2021

Livre II - Séparation

1 - Le réveil de Cédric


Au large de Dazir, en Outremonde

Je n'avais plus été aussi réticent à m'éveiller en ce monde depuis bien des années. Mon premier regard est pour Ludvik, qui est toujours endormi... ou...
Je me lève d'un bond et me précipite vers lui. Il respire. Soulagé, je le secoue, mais il ne réagit pas. Impossible de le réveiller pour le moment, il est donc conscient.
Vraiment ? J'ignore totalement ce qui se passerait s'il mourrait sur Terre. Se réveillerait-il ici ? Ou le lien se briserait-il, le laissant végéter jusqu'à ce que son corps meure aussi ici ?
Je reste à le veiller des heures durant, disant aux marins que Ludvik est souffrant. C'est à peine si j'arrive à avaler quelque chose.

En quelques jours, on a partagé bien des choses dans les deux mondes. J'ai apprécié ta sympathie, ta gentillesse, tu es devenu un ami sur lequel je savais pouvoir compter. Et je connais la valeur de l'amitié, Ludvik. Elle n'a pas de prix.
Tu comptes beaucoup pour moi. Ne m'abandonne pas.


Lorsque sonne la seconde cloche de l'après-midi, j'ai la joie de le voir ouvrir les yeux.
- Ludvik ! Tu vas bien ?
- Non...
- Que s'est-il passé là-bas ?
- Ils m'ont contacté. Ils sont bien plus puissants encore que ce que nous imaginions. Laisse tomber la police, ils sont infiltrés partout. Ils savaient tout sur moi, ma famille, Marc...
- Tu leur a parlé ? Et ils t'ont laissé en vie ?
- Oui.
- Pourquoi ?
- Ils m'ont recruté.
- Quoi ?
- Je n'avais pas le choix, figure-toi. Ils peuvent faire ce qu'ils veulent à ceux que j'aime, impunément, si je ne leur obéis pas à la lettre. Ils ont apprécié la manière dont je me suis débrouillé en Outremonde. Ils ont jugé que je leur étais plus utile vivant que mort.
- Je ne sais pas quoi dire, Ludvik...
- Lève le sort de protection.

La mort dans l'âme, je me concentre sur l'amulette pour neutraliser le sort.
- C'est fait.
- Je dois continuer jusqu'à atteindre Sandros, et les rejoindre à Vurinar.
- C'est la capitale du royaume Sandrosi, qui couvre tout le nord du continent.
- Oui. C'est là que se trouve une de leurs bases les plus importantes. Car, vois-tu, le roi soutient leurs activités en échange de moyens d'étendre ses frontières sur le continent entier.
- Ben voyons. C'est le rêve de ce royaume depuis des générations. Ils vont avoir l'occasion de le réaliser.
- Je n'en sais pas plus pour le moment. Le reste, ce sera à toi de le découvrir.
- Ludvik... je trouverai un moyen de te tirer de leurs griffes.
- Je suis perdu, Cédric. Tant que ma famille et Marc seront vulnérables, je serai à leurs ordres. Et si un jour ils apprennent ton existence et me demandent de te tuer, je devrai le faire.

Nous débarquons le soir venu à Dazir, reflet valnarien de la ville sandrosienne de Durzad. Un reflet nettement plus agréable. La ville bourdonne d'activité, étant le principal port de commerce avec Sandros, elle a attiré quantité de gens espérant profiter de l'argent généré. Nous n'y traînons que le temps de vendre les glandes de hurleur, désireux de prendre le premier bateau en partance pour Durzad. Trop tard pour ce soir, hélas, nous devons prendre une chambre dans une auberge pour repartir demain matin.
Je regarde Ludvik s'installer et me faire une ultime recommandation :
- Ne mets pas en danger ceux que j'aime, Cédric.
- Promis.
- Oublie les dernières instructions que je t'ai donné sur Terre. Inutile de vider mon compte, mais prends ce dont tu as besoin pour rentrer chez toi.
- Je peux me débrouiller...
- J'insiste.
- Bon, comme tu veux.
Il s'endort rapidement.

J'attends quelques minutes pour être sûr, puis prends ma dague et coupe une mèche de ses cheveux que je range soigneusement dans une pochette de tissu.
Mieux vaut qu'il ne soit pas au courant de ce petit détail... Ça pourrait faire toute la différence.
Je m'installe dans un coin de la chambre et m'accroupis à même le sol, fouillant dans mon sac. Je prends un coffret protégeant une boule de cristal sur laquelle je me concentre afin d'entrer en communication mentale avec Karl.
- Maître, j'ai de terribles nouvelles...
- Je t'écoute.
- Dans l'autre monde, nos ennemis se sont assurés de la famille de Ludvik, le contraignant à travailler pour eux.
- Voilà qui est très regrettable.

Je raconte à mon maître tout ce que j'ai appris sur leurs activités en Outremonde, puis attends tandis qu'il réfléchit.
- Je crains que nous ne soyons bien démunis, Cédric. Il nous faut faire appel à un plus grand pouvoir. La Lumière doit nous guider.
- Comment ?
- Une fois que tu seras arrivé à Durzad, pars pour le mont Linma et cherche la caverne aux échos. Va au fond, tout au fond de cette caverne, et tu pourras trouver de l'aide, comme je l'ai fait il y a bien longtemps.
- Quel genre d'aide ?
- Je ne peux te donner plus de détails, un sceau de silence a été apposé sur ce savoir.
- Bien, j'irai. Je me suis assuré de pouvoir localiser Ludvik.
- Très bien. Je suis fier de toi, Cédric, tu t'es toujours montré à la hauteur de mes espérances.
- Merci, maître.
- Ne m'appelle plus maître, car tu n'es plus un apprenti à mes yeux. Tu as plus qu'amplement mérité le titre de Sorcier.